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encore, si l’on s’en rapporte à la définition de Descartes, qui n’admet rien dans l’homme qu’une âme constituée par la pensée et un corps tout mécanique. Enfin, si l’on supposait, ce que ne prouve aucune bonne psychologie, qu’il y eût dans l’homme un troisième principe qui ne serait ni l’âme ni le corps, que deviendrait, où serait ce troisième principe qui, à la mort, ne suivrait ni le corps, qui va se dissoudre et périr, ni l’âme, qui ne doit le reprendre qu’au dernier jugement ?

Enfin comment ne pas indiquer ce doute de l’esprit, cet effroi du cœur, soulevés l’un et l’autre contre l’éternité des peines ? Le sujet est trop grave pour être traité en passant ; le lecteur trouvera plus qu’un dédommagement dans l’ouvrage écrit par M. Gallet avec beaucoup de verve et d’émotion[1]. On rappellera seulement ici cette question connue : comment le dogme de la résurrection du corps est-il compatible avec la peine du feu éternel entendu au sens propre que l’église ne rejette pas, et s’il faut, avec M. Martin, prendre figurativement ces mots, résurrection, corps, feu éternel, le dogme ne s’évanouit-il pas en quelque sorte dans une métaphore arbitraire ? Quant au fond de l’idée, il a quelque chose de si terrible que notre église a été obligée de le tempérer par l’atténuation du purgatoire, et que de notre temps elle permet à ses plus célèbres docteurs d’élargir tellement les conditions du salut que le dogme du petit nombre des élus est remplacé par celui du petit nombre des réprouvés.

On voit que la doctrine si formelle et si péremptoire de la vie future selon la foi n’échappe pas, dès qu’on l’examine, à la triste condition de nos plus importantes croyances ; elle offre de cruelles difficultés. De là des doutes possibles, légitimes, si l’on veut, mais qui, je le répète, ne sont pas inévitables, car l’office de la religion est de persuader, non de démontrer, et les hommes reçoivent d’elle une certitude volontaire, acceptée une fois pour toutes, et non pas une conviction débattue qu’il faut incessamment réviser. Cette certitude pieuse n’est point celle de l’évidence ; elle ne se fonde ni sur des axiomes, ni sur l’observation, ni sur la déduction. Elle est d’une tout autre nature. Qu’importe si, pour celui qui la possède, elle est inébranlable ?


III

Mais, si la foi brave les difficultés qu’on lui oppose, il n’en est pas de même de la raison. Celle-ci ne se doit qu’à la vérité qu’elle

  1. L’Enfer, par M. Auguste Callet, 1861.