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c’est celui de l’histoire. Fût-il une inconséquence, il n’en est pas moins la forme près de vingt fois séculaire sous laquelle les peuples de l’Europe et de l’Amérique, c’est-à-dire les sociétés les plus civilisées de l’histoire et du globe, ont accepté et compris les promesses et les menaces attachées au dogme philosophique de l’immortalité de l’âme. Tout est dans cette parole que, selon saint Jean, prononçait le Christ à la dernière cène : « Père, l’heure est venue, glorifie ton fils pour que ton fils te glorifie, comme tu lui as donné puissance sur toute chair, pour que tout ce que tu lui as donné leur donne la vie éternelle, Or la vie éternelle, c’est pour eux de te connaître, toi le seul Dieu véritable, et Jésus-Christ, que tu as envoyé[1]. »

On espère avoir fait jusqu’ici à la théologie sacrée sa juste part avec respect et sincérité. On a reconnu expressément que, pour captiver la croyance, les affirmations fondées sur le témoignage d’une tradition non contestée sont supérieures aux conclusions laborieuses d’une inquisition philosophique incessamment remise au contrôle de la raison. Il ne s’ensuit pas cependant que ces affirmations si persuasives soient elles-mêmes à l’abri de toute objection. De fait, elles ne réussissent pas à convaincre tout le monde ; il ne faut jamais oublier que, sous la forme chrétienne, elles n’ont encore gagné que la minorité du genre humain, et parmi les nations converties combien d’intelligences rebelles trouvent moyen de douter et de contredire, en présence même des héritiers de la prédication apostolique ! Il y a des esprits qui, sans repousser la révélation, ont besoin que les propositions fondamentales sur lesquelles elle s’appuie leur soient préalablement et démonstrativement enseignées. Ils veulent des preuves et non des témoignages ; ils demandent des raisons et non des traditions. Ces esprits ne sont pas à mépriser, et les deux écrivains orthodoxes que nous avons cités, surtout M. Henri Martin, sont loin de les avoir négligés. Plus d’une de leurs pages a été écrite pour les esprits de cette nature ; mais pour eux aussi la doctrine chrétienne de la vie future a des difficultés spéciales que laissent subsister tous les écrits et tous les systèmes orthodoxes à nous connus. Nous en indiquerons quelques-unes.

Nous ne concevons guère ceux qui contestent au christianisme d’être spiritualiste. Quelques expressions équivoques ou malheureuses, qu’on retrouverait dans les pères et jusque dans saint Paul,

  1. Ces paroles, traduites ici littéralement, offrent un exemple des expressions sur lesquelles M. Lambert croit pouvoir édifier son système. Littéralement, c’est à toute chair que la vie éternelle est promise, d’où l’on pourrait à la rigueur prétendre que la vie éternelle n’est que l’immortalité de l’homme en chair et en os.