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dant une manière scientifique de traiter la religion : c’est la théologie. La théologie est l’application de la raison aux vérités tenues pour révélées. La religion étant prise comme un fait, ses dogmes étant admis à titre de tradition, la raison peut entreprendre, par les moyens qui lui sont exclusivement propres, de rechercher, d’exposer, de fixer le sens, la portée, l’autorité et la vérité de ses enseignemens, et une doctrine historique revêt ainsi les apparences d’une doctrine rationnelle. Telle est pourtant, au point de vue de l’influence pratique sur la croyance, l’infériorité de la voie de discussion, que ce qui commence à obscurcir et à ébranler la religion dans les esprits, c’est la théologie orthodoxe elle-même. Elle divulgue les doutes qu’elle prétend lever, elle fait toucher au doigt les difficultés qu’elle s’attache à résoudre. Ce n’est pas une raison pour la proscrire ; il y a des esprits qui en ont besoin. Tous même ont besoin, soit pour donner, soit pour recevoir un enseignement, d’une forme systématique. Cette forme est celle de la science, et la science est au rang des nécessités de l’intelligence humaine. Il y a en nous un certain rationalisme naturel qui réclame sa part. Il la veut plus forte, il domine chez certains hommes dont les facultés critiques sont plus développées que toutes les autres. Pour ceux-là, lors même que l’éducation ou les circonstances ont jeté dans leur âme les fondemens de la foi, il faut encore que la foi devienne à un certain degré science. Ce sont les philosophes de la religion, et ils ne sont pas les moindres dans le royaume des saints. L’église assurément ne met pas les saint Augustin et les saint Thomas au-dessous des François d’Assise et des Vincent de Paul.

Ce n’est guère que pour ceux chez qui prévaut l’esprit scientifique que les pages de ce recueil sont écrites, et puisque nous parlons ici de l’autre vie, nous dirons que ce dogme n’a pas été négligé par la théologie contemporaine. A ceux qui tiendraient à bien connaître dans sa teneur, dans sa substance et ses conséquences, ce fondement de leur foi religieuse, nous indiquerions, sans les entraîner dans l’ombre des écoles ecclésiastiques, deux ouvrages qui, avec des mérites communs et des mérites différens, peuvent satisfaire pleinement la curiosité des esprits modérés, et mettre celle des esprits plus exigeans sur la voie des recherches à faire et des problèmes a résoudre : c’est la Vie future, par M. Henri Martin, et la Vie éternelle, par M. Ernest Naville.

M. Henri Martin ne doit pas être confondu avec son homonyme, l’auteur distingué d’une importante histoire de France. On pourrait s’y méprendre, précisément dans la question qui nous occupe, car l’habile historien appartient à une école dont Jean Reynaud est le chef et qui, jalouse de rattacher notre esprit national à son ber-