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qu’ils ne puissent lutter avec les œuvres de la sagesse profane, pour persuader l’homme des destinées qui l’attendent au-delà du tombeau. A Dieu ne plaise ! Le catéchisme fait, plus de croyans à l’autre vie que toute la littérature philosophique, et un paysan chrétien en est plus assuré que Socrate au moment de boire la ciguë ; mais le christianisme est dispensé par sa puissance même du soin d’établir distinctement le dogme de l’autre vie. Il l’enseigne ou plutôt il le comprend, dans sa doctrine, dont ce dogme est un élément nécessaire. Il suffit que par voie de tradition ou d’autorité il ait obtenu la foi pour lui-même, cette foi s’étend naturellement à tous les articles de son symbole, et sans aucune recherche, sans appareil de démonstration, il laisse les fidèles pleins de confiance dans l’avenir éternel, unique motif de la révélation, car si tout finissait à la mort, qu’importerait la doctrine du péché et du salut ?

C’est l’avantage de la religion et de toute religion sur toute philosophie, qu’elle affirme ce que la philosophie démontre, et qu’elle a d’autres moyens de se faire accepter que de discuter avec la raison. Toute religion est historique avant d’être philosophique. Par le témoignage et la tradition, par le rôle qu’elle remplit dans l’éducation, par les sentimens auxquels elle s’adresse, par les facultés qu’elle met en jeu, elle emporte tous les doutes, elle ne les laisse pas même naître et fraie aux divers dogmes dont elle se compose un accès facile et durable dans les esprits dont elle s’est emparée. Si au genre d’influence qui lui appartient elle ajoute l’antiquité de son origine, les beautés de son histoire, la grandeur ou la subtilité de ses dogmes, des souvenirs touchans et des leçons utiles, il ne faut pas s’étonner qu’elle s’assure un empire à peu près absolu, et c’est ainsi que, même humainement considéré, le christianisme a pu créer dans les âmes des croyances qui ne périront pas. Au nombre de ces croyances est la vie éternelle, car tel est le nom sacré de la doctrine de l’immortalité de l’âme. Sous ce nom, elle n’en est que plus puissante et plus durable, et plus d’un chrétien qui ignore ou connaît à peine ces mots, âme immortelle, est aussi pénétré de la vérité qu’ils expriment que s’ils lui étaient familiers, et rapporte à cette vérité fortifiante et réprimante ses espérances et ses actions. Rien ne surpassera jamais l’ascendant de la religion comme force persuasive ; elle sera toujours le plus prompt et le plus sûr moyen de maîtriser l’esprit humain.


I

Mais quoique les doctrines religieuses ne s’imposent point par l’évidence et ne s’établissent point par l’analyse, l’observation ou le raisonnement, comme les doctrines scientifiques, il y a cepen-