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d’éclat, tant de respect environnait son courage et sa science, que les évêques de Jérusalem et de Césarée se disputèrent l’honneur de l’attacher à leur clergé, et il reçut l’ordination.

Prêtre et docteur, il n’éprouva pas moins de traverses au sein de l’église pour l’indépendance de sa pensée que de tourmens au dehors pour la confession de sa foi. Chassé comme hérétique par l’évêque d’Alexandrie, appelé par d’autres, excommunié ici, applaudi ailleurs, et passant tour à tour de l’anathème à l’apothéose, il parcourut la Palestine, l’Arabie, la Phénicie, la Syrie, l’Achaïe, la Cappadoce, professant, catéchisant, et déposant partout les germes de doctrines dont la splendeur éblouissait tous les yeux, mais dont la hardiesse effrayait à bon droit une orthodoxie rigide. De temps à autre, les bourreaux païens apportaient de la diversion aux persécutions ecclésiastiques. Jeté en prison à Césarée, au temps de Décius, Origène, mis sur le chevalet, eut ses pieds tirés jusqu’au quatrième trou, ce qui passait pour une affreuse torture : on le menaçait aussi du gril. Il ne mourut pourtant pas cette fois ; mais, dix-huit mois ou deux ans après, il achevait à Tyr cette vie doublement militante à l’âge de soixante-neuf ans. On nous peint Origène comme petit et faible de corps : il fallut la force indomptable de son âme pour qu’une si frêle enveloppe pût résister à tant d’assauts livrés par la misère et par les hommes. Son corps fut enterré, dit-on, dans la muraille de l’église du Saint-Sépulcre, qui était la cathédrale de la ville de Tyr.

Les erreurs doctrinales d’Origène tinrent presque toutes à la nouvelle face qu’il prétendait donner à l’exégèse des livres juifs et chrétiens par l’application de la philosophie grecque. Cette tendance avait existé avant lui dans l’école d’Alexandrie, mais avec plus de réserve et de mesure. Aussi savant que les plus renommés philosophes de son siècle et réputé par eux leur égal, familier avec leurs idées et leurs méthodes, il voulait absorber la philosophie païenne au sein du christianisme en la subordonnant aux données historiques de l’Ancien et du Nouveau Testament. Et en effet les polythéistes érudits suivaient son enseignement avec autant de curiosité et presque autant de goût que les chrétiens eux-mêmes ; il arriva même à plusieurs de se convertir. Mais Origène ne sentait pas assez qu’il entraînait la religion du Christ hors de sa voie véritable, la simplicité et la foi. Les païens eux-mêmes signalèrent ce vice de la nouvelle doctrine. « Ce fut l’écueil d’Origène, écrivait Porphyre, son admirateur sincère autant qu’ennemi du culte chrétien. Il corrompit ce qu’il y avait d’excellent dans sa personne et dans sa science par ce mélange qu’il entreprit de la philosophie et du christianisme, car, menant une vie chrétienne contraire à toutes les lois, il suivait sur la Divinité et sur tout le reste les sentimens