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chet et ses adversaires diffèrent d’avis sur la quantité des corpuscules reproducteurs que l’air renferme : M. Pouchet en trouve très peu, les panspermistes en voient un très grand nombre ; mais ceux-ci affirment-ils que les germes charriés par l’atmosphère donnent la vie à la totalité des êtres microscopiques ? Des germes ne peuvent-ils pas être produits el perpétués dans des milieux spéciaux, au sein de certains tissus animaux ou végétaux par exemple, et venir à éclosion dès que les circonstances extérieures le permettent ? Cette supposition ne paraît point essentiellement contraire aux idées générales des panspermistes. Dès lors il ne serait plus besoin d’une monstrueuse profusion de germes pour expliquer les végétations spéciales qui se produisent sur les cadavres d’araignées, sur les sabots de cheval, sur les chenilles tropicales, sur les futailles de nos celliers, ou sur les gouttes de suif tombées dans nos mines. Ainsi s’évanouiraient, au moins en partie, les critiques que le champion de l’hétérogénie adresse à ses contradicteurs.

Aussi bien il convient jusqu’ici à tout le monde d’être modeste et réservé dans cette question des générations spontanées. Elle ne porte pas bonheur à ceux qui, dans un camp ou dans l’autre, émettent des idées trop absolues. La polémique soulevée par M. Pouchet depuis plusieurs années aura eu pour résultat principal de provoquer des études sérieuses sur les microzoaires ; il en est sorti déjà beaucoup de faits nouveaux et curieux, qui d’ailleurs n’éclairent pas le fond de la querelle. Sans doute la moisson des faits à recueillir n’est pas épuisée, et l’on peut espérer qu’elle sera encore abondante ; mais la controverse reste toujours au même point entre des adversaires retranchés les uns et les autres dans des opinions contraires. Des hétérogénistes enferment une infusion dans une cornue ; ils ont fait préalablement tous leurs efforts pour détruire les germes qui pouvaient se trouver soit dans l’infusion, soit dans l’air de la cornue ; ils voient bientôt naître des microzoaires. « Voilà, disent-ils, des animaux nés sans germes — Non, leur répondent leurs adversaires ; c’est que vos efforts pour tuer les germes ont été insuffisans. » Les panspermistes font de leur côté les mêmes expériences. Ils tuent les germes et montrent dans leurs ballons des infusions infécondes, a Vous le voyez, disent-ils, point de germes, point de vie ! — Fort bien, leur dit-on dans le camp opposé ; mais êtes-vous certains de n’avoir pas, en même temps que vous détruisiez les germes, supprimé quelque condition indispensable à la vie des Infusoires qui devaient naître dans ces ballons ? » Il est désirable que la controverse sorte le plus tôt possible du cercle où elle se traîne. M. Pouchet d’ailleurs est homme à rajeunir par de nouvelles recherches la cause pour laquelle il a soutenu des luttes si vigoureuses. Nous espérons qu’il livrera pour elle de nouveaux combats. Rien ne serait plus fâcheux que de le voir abandonner le champ de bataille pour consacrer tout son temps à des essais de vulgarisation scientifique. Il semble en effet n’apporter à ce dernier genre de travail qu’une aptitude médiocre. C’est du moins l’impression qui nous est restée, et qui restera sans doute au lecteur après l’examen d’un livre trop rapidement fait.


EDGAR SAVENEY.


V. DE MARS.