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enfonce de jeunes pousses d’arbres, régulièrement espacées sur deux lignes parallèles, de manière qu’elles forment berceau. Il s’agit alors de décorer ce promenoir. Le chlamydère se met en quête, et tout ce qu’il peut butiner de brillant, des plumes d’oiseau, des coquilles nacrées, des paillettes métalliques, vient orner sa charmille.

La partie sans contredit la plus intéressante du livre de M. Pouchet est celle qui concerne les insectes. Ce n’est pas la première fois que le monde des insectes inspire heureusement ceux qui s’en occupent. L’histoire de ces petits êtres s’est toujours prêtée à des descriptions vives et piquantes. Personne n’a oublié le tableau brillant qu’en a présenté M. Michelet. Il semble que l’on sente dans les pages que M. Pouchet leur consacre comme un certain reflet et une inspiration lointaine de cette œuvre éclatante ; le style, ordinairement froid et traînant, s’échauffe et s’élève ; l’auteur devient presque éloquent, sans cesser d’être minutieusement exact. L’exactitude, voilà une qualité qui distingue M. Pouchet de son éloquent prédécesseur. Dans l’Insecte, comme dans plusieurs livres analogues qu’il a faits depuis, M. Michelet commence par citer quelques faits certains et avérés ; mais tout de suite, quittant cette base solide, son imagination, d’un coup d’aile, s’élance dans les hypothèses et les fictions. Le lecteur, ébloui par les métaphores et les artifices du style, est bientôt hors d’état de distinguer où la réalité s’arrête et où le rêve commence, il ne sait plus du tout ce qu’il doit regarder comme un fait scientifique et ce qu’il doit se contenter d’admirer comme un jeu d’esprit ; peut-être même l’auteur finit-il par être à cet égard aussi incertain que le lecteur. Avec M. Pouchet, on sent que l’on ne quitte pas la terre ferme ; l’auteur et le lecteur marchent sur un bon terrain ; tout ce que le livre expose est certain ; du moins, si quelques récits hasardés se présentent, la source est indiquée, et les faits hypothétiques sont par là même ramenés à leur juste valeur.

C’est donc en toute sûreté que nous pouvons admirer les merveilles de la vie des insectes telles que M. Pouchet les raconte. Quelle étonnante métamorphose que celle qui, d’une larve grossière, fait d’abord une chrysalide, puis un papillon vêtu des couleurs les plus coquettes ! Quelles délicatesses d’organisation dans quelques-uns de ces frêles animalcules ! Notre cœur n’est qu’une pompe grossière, comparé au système qui fait circuler le sang de l’éphémère. Et que sont les instrumens de nos travaux et de nos industries, comparés aux scies, aux râteaux, aux ciseaux, aux brosses dont les insectes se trouvent naturellement armés ! Aussi voit-on parmi eux une grande quantité d’ouvriers habiles à toute sorte de productions : il y a des maçons, des architectes, des tapissiers, des papetiers, des fabricans de carton, des menuisiers, des hydrauliciens ; il y a aussi des fainéans et une assez jolie collection de brigands qui vivent de guerre et de pillage. Dans ces petits êtres, nous retrouvons non-seulement nos industries et nos habiletés, mais nos vertus et nos vices, nos passions, voire nos mœurs politiques. Le monde des insectes nous offre des exemples bien anciennement connus de sociétés policées et régulièrement organisées. Tout a été dit sur les fourmis et les abeilles. Il semble qu’il n’y ait plus à revenir sur ce sujet, et cependant l’exemple de M. Pouchet montre que l’on peut toujours l’aborder sans craindre de lasser le lecteur. M. Pouchet emprunte au