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en est un, le dictateur de la Roumanie, le prince Couza, qui ne veut point qu’on l’oublie. Le césar roumain vient encore une fois de changer son cabinet. Lorsque Couza s’empara de la dictature, la principale raison qu’il allégua pour abolir une constitution représentative qui avait le caractère d’une convention internationale européenne fut que la chambre lui rendait le gouvernement impossible en l’obligeant à des changemens de cabinet trop fréquens. Aujourd’hui qu’il est souverain absolu, le prince Couza conserve l’habitude de faire et de faire des cabinets, et donne lui-même la preuve que la versatilité politique est un défaut de son caractère qu’il avait calomnieusement attribué à son pays. Ce petit despote se permet d’ailleurs d’étranges choses, et il caricature la France avec un sans-gêne qui n’est guère tolérable. Il a par exemple annoncé qu’il dotait son pays du code Napoléon ; mais il a fait subir au code civil de la France des travestissemens honteux. Ainsi il a introduit dans les articles relatifs à l’état des enfans un amendement qui ébranle l’institution du mariage et détruit l’édifice de la famille. D’après son code, « les enfans naturels, lors même que le mariage serait prohibé entre leurs père et mère, succèdent à leur mère, aux ascendans et aux collatéraux de leur mère comme les enfans légitimes. » Il faut lire dans une éloquente brochure récemment publiée à Paris, le Code Couza devant la religion et la famille, les protestations indignées que cette législation polygame inspire aux Roumains honnêtes. Au surplus, nous ne sommes pas surpris de la récente révolution ministérielle qui a eu lieu à Bucharest. Nous avions eu naguère sous les yeux un rapport présenté par le dernier ministre, M. J. Strat, sur l’état des finances du prince Couza. Ce rapport paraît être l’œuvre d’un homme intelligent. Il montre que les finances roumaines sont dans un complet désarroi, que les dépenses y dépassent dans une proportion considérable les recettes, que la perception du revenu se fait mal et laisse chaque année d’énormes arriérés. Bref, le ministre ne voyait d’autre ressource que d’employer une portion de l’emprunt contracté récemment pour les lieux saints à couvrir le déficit de cette année. Gêné dans ses finances, nous ne sommes pas surpris que le prince Couza vive difficilement d’accord avec ses ministres, et aime à changer d’intendant ; mais les changemens de ministère ne rempliront point ses coffres, et il ne tardera pas à s’apercevoir que les finances sont la pierre d’achoppement de tous les despotismes.

E. FORCADE.

Un ministère vient de tomber, un nouveau ministère vient de se former en Espagne. Ce n’est point là précisément ce qu’il y a d’extraordinaire ; l’histoire contemporaine de la péninsule se compose de crises ministérielles. Il y a eu depuis trente ans au-delà des Pyrénées quelque chose comme près de cinquante présidens du conseil et quatre cents ministres. La crise actuelle a cela de caractéristique, qu’elle met à nu encore une fois, et d’une façon plus palpable peut-être, cette condition singulière où des cabinets