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glorieuse et sainte, que n’est pas celle d’un Dieu ? Nous allons baiser les os des martyrs, et il y a des gens qui pensent qu’il faut dédaigner le sépulcre où Dieu lui-même a reposé ! Ceux qui pensent ainsi n’ont qu’à consulter le diable et ses anges : chaque fois qu’on traîne un possédé devant le divin tombeau, il faut voir ses contorsions, il faut entendre ses gémissemens. Le démon est là qui frémit, comme devant le tribunal du Christ ; il se lamente, mais trop tard, d’avoir crucifié son terrible juge. Si ce mot qu’on nous répète à satiété : « Jérusalem est un lieu détestable ! » si ce mot était vrai, parce que le Christ y a souffert, pourquoi Paul avait-il tant de hâte de s’y rendre ? Pourquoi disait-il à ses frères, qui le retenaient : « Que faites-vous là à pleurer et à troubler mon cœur ? Je suis prêt non-seulement à être lié, mais à mourir dans Jérusalem pour la confession de mon Dieu. » A la suite des apôtres, combien d’évêques, combien de martyrs, combien de docteurs, sont venus d’âgé en âge visiter Jérusalem, persuadés qu’il leur manquerait quelque chose dans l’esprit et dans le cœur, dans l’éloquence et dans la foi, qu’ils n’atteindraient pas à la perfection, s’ils ne venaient adorer dans le lieu où l’Évangile a illuminé le monde pour la première fois du haut d’un gibet ! On raconte qu’un auteur célèbre reprochait jadis à quelqu’un d’avoir appris le grec non à Athènes, mais à Lilybée, le latin non à Rome, mais en Sicile, chaque province ayant en propre quelque chose qui manque aux autres. Eh bien ! pourquoi ne dirions-nous pas aussi que, hors de notre Athènes des études chrétiennes, nul n’en atteindra le sommet ?

« Pardonne-nous ce langage. Nous ne prétendons pas posséder le royaume de Dieu et nier qu’il y ait quelque sainteté ailleurs ; nous voulons dire qu’on voit arriver ici tout ce qu’il y a de plus saint et de plus savant dans le monde entier. Nous y sommes venues, non assurément comme les premières, mais comme les dernières, afin de voir et d’entendre. C’est une fleur, une pierre précieuse dans la parure de l’église, que ces chœurs de moines et de vierges qui couvrent la Palestine. Quiconque se distingue par la science chrétienne au fond des Gaules n’a qu’une pensée : arriver ici. Le Breton, « séparé de notre monde, » quitte son soleil couchant et se met à la recherche de la lointaine contrée que l’astre des Évangiles lui révèle. L’Orient fait la même chose. L’Arménie, la Perse, les Indes, l’Ethiopie, l’Égypte même, si féconde en solitaires, le Pont, la Cappadoce, la Mésopotamie, nous envoient leurs plus chers enfans. L’univers converge ici, conformément au mot du Sauveur : « où est le corps, là se réuniront les aigles. »

« Nous tardons à te peindre la petite campagne du Christ et l’hôtellerie de Marie ; mais en quels termes le faire ? En face de cette grotte vénérable de la crèche, il y a plus de respect dans le silence