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est conduit à fond. Les lettrés, les savans les plus illustres, se font un honneur et un devoir de porter la robe de l’université ; les chaire, toujours briguées, sont livrées aux plus dignes. De tels maîtres, comme on l’imagine, disposent de leur enseignement comme ils l’entendent. Ils sont en communion avec ce que l’Europe renferme de grandes autorités dans les lettres, dans les sciences et dans les arts ; ils s’inspirent de ce qui est classé et de ce qui se découvre ; leurs noms et leurs travaux sont la garantie de leurs méthodes, qui se distinguant autant par la sûreté que par la variété. Leur indépendance est à peu près celle qui est accordée à nos professeurs du Collège de France, moins le droit de révocation, et la nature de leurs leçons répond à ce qui se pratique dans notre école normale supérieure, moins la partie pédagogique inhérente à une destination spécifiée. Ce n’est pas qu’il n’y ait pour ce haut corps enseignant une discipline intérieure : on s’y juge entre pairs ; mais cette discipline est plus comminatoire que réelle, et sommeille dans les vieux statuts. Le titre est sérieux comme les hommes qui le portent ; ils le font respecter en le respectant eux-mêmes. La part des hardiesses n’en est pas moins grande, et c’est dans le giron de ces universités qu’est né en partie le goût récent des recherches positives qui est si bien dans le génie anglais, et qui tient désormais dans un état de crise toutes les branches du savoir humain. Les orientalistes d’Oxford et de Cambridge sont entrés pour beaucoup dans les découvertes philologiques qui affectent la question de nos origines ; leurs naturalistes n’ont pas moins profondément troublé les notions reçues sur la nature de l’homme et son rang à part dans l’échelle des êtres. Ainsi, sous l’œil du clergé et dans les voies les plus régulières, le champ est libre, même aux déviations, et de tels faits donnent à la fois une idée de l’esprit qui règne et de la puissance qui réside dans ces grands foyers d’études.

On a vu qu’entre les maisons d’éducation les ressources sont très inégales ; celles qui sont dotées rendent l’existence pénible à celles qui ne le sont pas. Pour ces dernières, la gêne est permanente : elles sont contraintes de veiller de près à leurs dépenses, afin de les tenir en équilibre avec les recettes ; elles doivent se contenter de locaux modestes, pris à bail, qui font une médiocre figure auprès des beaux édifices que les maisons concurrentes ont reçus à titre de dons ou acquis de leurs deniers. Une distance analogue se reproduit dans l’ampleur des services. Par elle-même, la profession est d’ailleurs peu lucrative. L’externat, qui prévaut, ne comporte pas des droits d’école trop élevés, et on n’en pourrait forcer la quotité qu’au détriment du nombre des élèves, qui est dans presque tous les cas assez limité. C’est sur le recrutement des professeurs