seules traditions qui survivent. Dans le reste de la gestion, de grands abus se sont glissés. Pour quelques places que l’on accorde à des enfans de drapiers et de tailleurs, il s’en distribue à titre de faveur un nombre considérable à des familles que protègent les membres des comités. Il y a des sollicitations, des brigues, on dit même des vénalités. L’opinion publique s’en est émue et à bon droit ; l’intention des fondateurs était évidemment violée ; c’était détourner au profit des classes riches l’obole de l’intelligence destinée aux classes pauvres et forcer l’interprétation de ces pouvoirs discrétionnaires dont la conscience, à défaut de la loi, aurait dû tempérer l’exercice.
Cet abus n’est pas d’ailleurs isolé ; il se retrouve dans beaucoup d’écoles de grammaire. Leur destination manifeste était de dispenser l’instruction, soit gratuitement, soit au prix d’une redevance légère, aux enfans des familles qui n’en pouvaient pas supporter la dépense. Leur dénomination générale l’indiquait ; c’était la charité dans l’éducation, educational charities, il n’y avait pas à s’y méprendre. Nous avons vu pourtant l’aristocratie s’emparer, dans les comtés, des écoles qui étaient à sa convenance, d’Eton, de Rugby, de Harrow, de Winchester ; à Londres, la même usurpation a eu lieu vis-à-vis des écoles les plus florissantes, celles de Saint-Paul, de Christ-Church et de Westminster. Des deux parts, de maîtres à élèves, l’accord s’est facilement établi. Les maîtres ont donné la préférence à une clientèle qui flattait mieux leur amour-propre et ajoutait à leurs revenus un prix de pension qui n’était pas à dédaigner. Les familles, de leur côté, ont fait le calcul que ces établissemens, pourvus de dotations, seraient moins exigeans que ceux qui auraient leurs frais à couvrir et leur fortune à faire. Il y avait là, comme apanage, des locaux vastes et bien installés, des rentes qui assuraient le traitement des professeurs, toutes les garanties d’une éducation sérieuse. Où trouver mieux ? Les classes nobles ou aisées se substituèrent donc aux premiers destinataires, et dans une certaine mesure cette substitution était justifiée. Si elle n’avait pas eu lieu, les écoles seraient restées désertes. Tout au plus eussent-elles formé quelques théologiens. Les affecter à la classe pauvre et les vouer à la latinité était retirer d’une main ce qu’on donnait de l’autre, ou du moins réduire à quelques unités le nombre d’enfans susceptibles d’y entrer. C’est ainsi que ces institutions, la plupart gratuites, ont manqué leur but charitable et déserté un service modeste pour rendre au pays des services plus brillans. Westminster par exemple peut s’enorgueillir d’avoir vu passer sur ses bancs des enfans qui se sont frayé un chemin vers les grandes carrières et sont devenus des jurisconsultes éminens, des hommes