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d’ailleurs sont annoncées d’avance par les vibrations et les sourds mugissemens du sol, les seuls dangers sont ceux que courent les propriétés ; quant aux habitans, ils n’ont point à craindre pour leur vie, et, s’il leur fallait fuir, les routes nombreuses et les bateaux à vapeur leur offriraient de rapides moyens de salut que n’avaient pas leurs ancêtres. Les tremblemens de terre, ces phénomènes si dangereux dans les Calabres, à Messine et dans toute la zone intermédiaire qui rejoint le foyer du Vésuve à celui de l’Etna, étant beaucoup moins à redouter sur les pentes de cette dernière montagne, c’est donc précisément au-dessus des laves incandescentes du volcan que l’on peut vivre dans les conditions actuelles avec le plus de sécurité. Les deux centres volcaniques les plus actifs du globe, ceux de la mer des Caraïbes et de l’archipel de la Sonde, semblent être, d’après le témoignage de l’histoire, les seuls où l’on ait à redouter que les volcans eux-mêmes volent entièrement en éclats et soient remplacés par des abîmes.

La science, qui a déjà fait tant de choses pour approprier la terre au séjour de l’homme et préparer l’âge d’or rêvé par les poètes, pourra-t-elle un jour enlever leurs terreurs aux volcans et se concilier ces forces redoutables des laves et des gaz comprimés qui s’agitent dans les profondeurs ? Lorsque ces forces se déchaînent et brisent l’enveloppe terrestre, saurons-nous les neutraliser comme nous le faisons déjà partiellement pour l’orage au moyen de paratonnerres, ou bien leur opposerons-nous des digues, comme nous l’avons fait pour résister aux assauts de la mer et, prévenir les inondations des fleuves ? Notre pouvoir sur la nature extérieure sera-t-ii tellement accru dans l’avenir que nous puissions contempler le grand spectacle des explosions volcaniques avec un sentiment de sécurité semblable à celui que nous éprouvons à la vue d’une cataracte qui s’abîme en faisant trembler le sol ? Notre ignorance ne nous permet point encore de répondre à toutes ces questions ; mais il appartient aux Perrey, aux Scrope, aux Mallet et aux savans qui viendront après eux de résoudre le problème. Qu’ils devinent d’abord les lois qui président aux phénomènes volcaniques, qu’ils en découvrent la périodicité et l’ordre de distribution géographique, qu’ils sachent prévoir en un mot, et les populations sauront alors se garantir des dangers que leur font courir les vibrations et les fractures de l’enveloppe terrestre. Pour triompher de la nature, la première condition, c’est de la comprendre.


ÉLISÉE RECLUS.