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breu et la préparation d’un plus grand nombre, Jérôme composa deux ouvrages qui se rattachaient intimement au voyage des années précédentes : l’un était le Traité des lieux et des noms hébreux, l’autre celui des Questions hébraïques. Il les composa en même temps. Le premier présente une topographie de la Judée d’après les deux Testamens, le second est un recueil de tous les noms propres d’hommes et de lieux mentionnés dans les Écritures, avec leur interprétation selon l’étymologie hébraïque. Il se servit beaucoup d’Eusèbe de Césarée dans la composition de ce travail, où il fit entrer aussi ce que Philon, Origène et d’autres auteurs orientaux avaient dit de mieux sur le sujet ; cependant il y ajouta tant de choses d’après ses propres observations, qu’il en fit un travail presque neuf ; au moins est-ce ainsi qu’il en parle.

À ces travaux spéciaux, qui servaient indirectement a la lecture de la Bible, il en ajouta de plus directs, et on place pendant les trois premières années de son séjour à Bethléem des commentaires sur plusieurs épîtres de saint Paul, qu’il rédigea à la prière d’Eustochium et de Paula, et un autre sur l’Ecclésiaste. Ce dernier avait été demandé par Blésille durant sa maladie ; Jérôme l’avait commencé, la mort était venu l’interrompre ; il le reprit en souvenir de cette chère âme, et l’acheva sous les yeux de la mère et de la sœur, auxquelles il le dédia. A leur sollicitation encore, et pour faire connaître aux Occidentaux Origène, dont le nom était si célèbre en Orient, il traduisit les homélies du grand docteur d’Alexandrie sur l’Évangile de saint Luc. Paulinien et Marcella eurent aussi part à ses pieuses dédicaces ; il mit en latin, à la prière du premier, le traité de Didyme sur le Saint-Esprit, et l’inscrivit au nom de ce qu’il aimait le plus au monde, son frère et ses deux sœurs de Bethléem. On l’accusait à Rome de vouloir tout changer dans l’église : Eustochium et Paula, gardiennes attentives de sa renommée, lui suggérèrent l’idée de réviser la vieille Vulgate latine de l’Ancien Testament en usage en Italie, mais faite sur un texte fautif des Septante, en la ramenant au texte plus pur donné dans les Hexaples. C’était un moyen de concilier la vérité religieuse avec des habitudes séculaires dignes de respect. Jérôme adopta cette idée et prit pour base de sa révision le manuscrit d’Origène conservé à Césarée, et qui faisait loi dans les églises de Palestine. L’entreprise fut, à ce qu’il paraît, menée à bonne fin ; mais le manuscrit périt du vivant même de l’auteur, soit par l’infidélité d’un gardien, soit par un parti pris chez les Occidentaux de ne rien changer à la coutume.

De ces grands et nombreux travaux, les uns étaient publiés en Palestine, les autres envoyés à Rome, et partout recherchés avec ardeur. La critique suivait infailliblement chaque publication, critique la plupart du temps malveillante et de plus en plus acre à