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commencement du XVIe siècle ; plus tard on rasa tous les arbres de la plaine de Taormine et les innombrables platanes qui ombrageaient la vallée de l’Alcantara. Dans les communes de Maletto, de Randazzo, de Linguagrossa, où de grandes forêts existent encore, l’œuvre de dévastation est poussée avec une sorte de furie, comme si les bûcherons voulaient aller aussi vite en besogne que la coulée de lave descendue de la base du Concazze ; la fumée des amas de charbon pèse incessamment en nuages noirs sur les flancs de la montagne. Nul doute que ce déboisement n’ait sur les déclivités de l’Etna les mêmes résultats que dans les autres pays du monde. Les avalanches, se précipitant sans obstacles dans les ravins, entraîneront avec elles beaucoup plus de pierres et de débris ; les pluies, au lieu de pénétrer dans le sol et d’en accroître la fertilité, s’écouleront aussitôt en torrens furieux ; des éboulemens se produiront avec plus de fréquence, et les vallées, changées en champs de cailloux, s’élargiront sans cesse par l’érosion de leurs bords. Ainsi, depuis les grandes éruptions du val del Bove, qui détruisirent, en 1852 et en 1853, les forêts de Calanna et tant de milliers d’arbres dans les campagnes de Milo et de Zaffarana, les inondations provenant des eaux de neige et de pluie qui se réunissent dans l’entonnoir du val sont devenues beaucoup plus redoutables.

La zone moyenne de l’Etna ne mérite plus aujourd’hui les noms de nemorosa ou silvosa, qui servaient à la désigner ; c’est bien plutôt la région cultivée de la base que l’on devrait appeler ainsi à cause des rangs pressés d’arbres fruitiers qui en font une véritable forêt. Le sol de ces champs, aussi bien que celui des pentes supérieures, n’est que laves et que cendres ; mais l’âpre travail de chaque jour en a fait le jardin que l’on voit aujourd’hui, et qui est la merveille de la Sicile. Le paysan s’est attaqué avec acharnement à toutes les anciennes roches, et les a conquises pas à pas pour en transformer la surface raboteuse en terre végétale. Quand la montagne, en s’entr’ouvrant, vomit sur les cultures et les villages un torrent de matières incandescentes, le travail agricole des populations est tout simplement interrompu. Les familles conservent religieusement leurs titres de propriété, comme si la propriété elle-même n’avait pas disparu ; puis, après un laps de temps plus ou moins considérable, dès que les laves refroidies sont recouvertes çà et là de plaques de lichens, le cultivateur se met à l’œuvre pour utiliser les moindres crevasses de la roche qui se prêtent à la végétation. Certaines laves compactes, notamment celle qui détruisit une partie de Catane en 1669, se délitent avec une singulière lenteur, et pour en cultiver durant le cours du même siècle les scories