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niveau marin, un observatoire où l’on pourra constater journellement l’état du cratère, mesurer les vibrations du sol, se livrer à l’étude des laves et des jets de vapeur, noter, comme dans les divers observatoires de l’Italie, tous les principaux phénomènes météorologiques et reconnaître en même temps si l’opinion populaire, qui voit une corrélation intime dans les tempêtes de l’air et dans celles de l’intérieur des volcans, repose sur quelque fondement sérieux. Parmi ces diverses études, l’une des plus curieuses serait à coup sûr celle de la direction des vents qui soufflent au sommet de l’Etna. La haute montagne, baignée à sa base par les couches d’air plus pesantes, plonge son cône terminal dans les régions supérieures de l’atmosphère, et le plus souvent deux courans aériens superposés viennent la frapper en sens inverse : en bas, les fumées des villes et des villages sont entraînées vers le nord ou vers le sud, tandis qu’en haut on voit la colonne blanche sortie du cratère se reployer majestueusement dans une direction tout opposée. Il n’est point de cime en Europe où l’on puisse observer mieux que sur l’Etna le croisement des vents équatoriaux et des courans polaires.


III

S’il est important d’élucider tous les problèmes purement scientifiques qui se rapportent à la météorologie de l’Etna ainsi qu’aux divers phénomènes des éruptions et des tremblemens de terre, il est bien plus utile encore de résoudre les questions qui intéressent directement le bien-être et la sécurité des populations. C’est qu’en effet il est bien peu de régions en Italie, et même en Europe, qui nourrissent un nombre d’habitans égal à celui des pentes inférieures de l’Etna. Tout autour de la base du volcan s’arrondit un collier de quinze villes, parmi lesquelles les deux cités de Catane et d’Aci-Reale sont, après Messine et Palerme, les plus populeuses de toute la Sicile. En outre un demi-cercle presque ininterrompu de villages considérables se développe sur les premiers renflemens orientaux et méridionaux de la montagne. En l’année 1863, on ne comptait pas moins de 284,278 habitans sur les versans de l’Etna, et comme la population y augmente environ de 5,000 âmes tous les ans, elle ne peut être actuellement inférieure à 300,000. Cependant tout le dôme volcanique proprement dit, avec ses pentes neigeuses, ses longs talus de scories et ses cônes de cendres, est entièrement désert. La partie habitée de l’Etna est uniquement la bande circulaire des campagnes comprises entre la base du mont et l’altitude moyenne de 800 mètres. Cet espace, qu’on peut à peine évaluer à la moitié de la superficie de l’Etna et à la trentième