Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

volcaniques est tiré de l’immense quantité de vapeur d’eau qui se dégage des cratères pendant les éruptions. On n’a point encore essayé de jauger approximativement le volume d’eau qui s’échappe sous forme gazeuse du cratère d’éruption et des fissures d’un grand courant de lave ; mais, à en juger par le nombre des bouches fumantes, les dimensions considérables des jets de vapeur et la rapidité avec laquelle ils sont lancés dans l’air, il n’est point douteux que ce volume ne puisse être comparé à celui de véritables fleuves. Ainsi que l’a dit depuis longtemps un savant d’Allemagne, Krug von Nidda, les volcans doivent être considérés surtout comme d’énormes sources intermittentes. Peut-être aussi les coulées basaltiques descendent-elles sur les pentes uniquement à cause de l’eau qu’elles contiennent. Il est probable que la plupart des laves qui s’écoulent des fissures volcaniques doivent leur mobilité aux innombrables molécules de vapeur qui remplissent tous les interstices de la matière en mouvement. Composées en grande partie de cristaux déjà formés, ainsi que le prouve l’examen des cheires, dans la masses desquelles on voit des nodules et des cristaux arrondis par le frottement, ces laves ne pourraient descendre sur les pentes, si elles n’étaient rendues fluides par leur mélange avec la vapeur d’eau, et le retard graduel, puis l’arrêt définitif des coulées ont pour cause principale le dégagement des gaz qui servaient de véhicule aux matières solides. C’est par suite de cette rapide déperdition de leur humidité que les basaltes finissent par ne contenir dans leurs pores, comparativement aux autres roches, qu’une faible quantité d’eau[1].

Quant aux phénomènes qui s’accomplissent dans l’intérieur de la terre préalablement à l’expulsion des vapeurs et des laves, une hypothèse bien simple s’est tout naturellement présentée à l’esprit. En pénétrant dans les crevasses de l’enveloppe terrestre, l’eau de la mer ou des fleuves augmente graduellement en température, comme les roches mêmes qu’elle traverse. Suivant une loi bien connue, dont la vraie cause est encore ignorée, cet accroissement de chaleur peut être évalué en moyenne, du moins pour les couches extérieures de la planète, à un degré centigrade par chaque espace de 30 mètres en profondeur. En conséquence, l’eau descendue à 10,000 mètres au-dessous de la surface aurait dans les latitudes méridionales de l’Europe une température d’environ 350 degrés. A 30,000 mètres, la chaleur se serait élevée à plus de 1,000 degrés ; mais l’effort de l’eau pour se transformer en vapeur

  1. Cette théorie a été longuement développée par M. Poulett Scrope, dont l’ouvrage classique a été récemment traduit en français sous ce titre : les Volcans, leurs caractères et leurs phénomènes.