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marche, en de minces couches de scories inégales. Pour expliquer la position des laves du val del Bove, il faudrait donc admettre forcément qu’elles ont été redressées postérieurement à l’époque de l’éruption. Toutefois, les observations récentes de M. Lyell[1], et celles des savans italiens qui étudient sur place les phénomènes volcaniques du Vésuve et de l’Etna ont prouvé jusqu’à l’évidence que, dans les temps modernes, un grand nombre de fleuves de lave, et notamment celui du val del Bove en 1852 et 1853, ont coulé sur des pentes rapides variant en inclinaison de 15 à 40 degrés. D’ailleurs, on le comprend, les laves qui se sont déversées sur les talus les plus déclives sont précisément celles qui, n’ayant pas éprouvé de temps d’arrêt ni rencontré d’obstacles dans leur course, peuvent offrir les couches les plus égales de pâte et les plus régulières d’allures. Quant à la forme de l’Etna, dans laquelle M. de Beaumont voyait également une preuve de l’origine récente de la montagne, elle n’a rien, qui ne puisse s’expliquer par les phénomènes actuels. Si le profil de l’Etna ne présente pas de chaque côté du cratère une ligne continue, mais se développe au contraire, en une série de lignes brisées correspondant aux talus inférieurs, au dôme qu’ils supportent, puis au cône terminal, c’est tout simplement parce que, dans la plupart des éruptions, les laves ne s’élèvent point jusqu’au grand cratère, et brisent les parois du volcan pour s’épancher latéralement sur les flancs de l’Etna. Ces éruptions, qui se succèdent pendant le cours des siècles, ont pour résultat nécessaire d’élargir graduellement le dôme qui constitue la masse principale de la montagne, et de rompre ainsi l’uniformité des talus latéraux. Il en est de même pour le Vésuve du côté qui regarde le rivage de la mer. Là aussi, le cône terminal est porté par une espèce de dôme que les nappes de lave ont formé peu à peu en s’ajoutant successivement les unes aux autres. Que le Vésuve continue d’être le grand évent volcanique de l’Italie et s’élève graduellement dans le ciel par la superposition des laves et des cendres, il ne peut manquer alors de prendre tôt ou tard une forme analogue à celle du géant de la Sicile.

Ainsi les faits observés par les savans autorisent à rejeter l’hypothèse d’un soulèvement récent qui aurait fait ployer en forme de cône les anciennes couches horizontales de laves et frayé une nouvelle issue aux matières incandescentes de l’intérieur par le cratère de l’Etna. La seule élévation du sol qui ait été constatée par la science est le soulèvement lent et général auquel participent

  1. Voyez l’important travail sur les Laves du mont Etna, inséré dans les Transactions philosophiques de l’année 1858.