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verbération des laves bouillonnant dans le puits central colorait l’atmosphère en rouge de feu. les matières liquides, ne pouvant s’élever jusqu’à la bouche du cratère, comprimaient les parois intérieures du volcan et se cherchaient une issue par le point le plus faible de la croûte en fondant peu à peu les roches qui s’opposaient à leur passage. Enfin, dans la nuit du 30 au 31 janvier 1865, la paroi céda sous l’effort des laves ; quelques mugissemens souterrains se firent entendre, de légères secousses agitèrent toute la partie orientale de la Sicile, et la terre se fendit sur une longueur de deux kilomètres et demi au nord de la Serra delle Concazze, l’un des grands contre-forts orientaux de l’Etna. C’est par cette fissure, ouverte sur un plateau en pente douce, que les laves comprimées se firent jour à grand fracas vers la surface.

Tous les phénomènes antérieurs annonçant le travail de l’Etna n’avaient fait réfléchir qu’un petit nombre de savans. Les habitans des villages situés sur les flancs de la montagne ne s’en étaient point effrayés ; mais, à la vue de l’éruption soudaine, ils furent en proie à la terreur. De Catane à Taormine et de Taormirie à Randazzo, sur cette vaste demi-circonférence de près de 100 kilomètres, on voyait, à l’angle le plus saillant du mont, briller l’immense lueur produite par le reflet des laves et par l’incendie des forêts ; on entendait les explosions assourdissantes qui se succédaient à intervalles rapprochés en faisant vibrer le sol et résonner les cavités souterraines. L’épouvante était au comble dans les villages qui semblaient le plus immédiatement menacés, et d’où l’on voyait dans toute son horreur le spectacle de l’éruption, Linguagrossa, Piedimonte, Mascali, Sant-Alfio. Tous les habitans passèrent la nuit dans les rues, les uns sanglotant et priant la Vierge et les saints, les autres blasphémant ou regardant avec stupeur la montagne entr’ouverte. En même temps les cloches des églises et des couvens sonnaient à toute volée pour conjurer le fléau. Bientôt les bûcherons, les charbonniers, les pâtres, descendus en courant des pentes supérieures de l’Etna, rendirent compte, chacun à sa manière, des phénomènes dont ils avaient été les témoins, et leurs récits vinrent mettre le comble à la terreur.

Une chose était certaine, c’est que le torrent de laves jaillissait de la crevasse avec une grande abondance et coulait rapidement dans les ravins ouverts au-dessous du plateau de l’éruption. Les paysans dont les maisons de ferme se trouvaient sur le chemin présumé des laves enlevèrent précipitamment de leurs demeures tout ce qu’ils pouvaient emporter, et vidèrent au plus tôt leurs citernes de peur que l’eau, subitement transformée en vapeur, n’agît sur les laves à la manière de la poudre à canon, et ne lançât en