l’avaient recherchée avec ardeur. Il fallait bien que les âmes chrétiennes eussent là comme la figure et le présage d’une autre arrivée de souverain, d’une cérémonie du même genre, mais plus importante encore et plus durable. « Ce sentiment, dit-il, était au fond de bien des cœurs. Ceux qui essayèrent d’en restreindre l’explosion ne firent qu’en constater la présence et la force. Ah ! si les églises sœurs, en cette occasion solennelle, avaient pu ne point laisser paraître, même d’une manière muette, les dissentimens séculaires qui les séparent, quelle promesse c’eût été pour l’Orient ! Le musulman lui-même eût douté de son avenir. »
Quel est le sens de ces paroles ? L’union si désirable des églises chrétiennes doit-elle donc s’accomplir sous le patronage de la Russie ? Le théologien de Leipzig est-il décidément séduit par l’esprit moscovite ? Oublie-t-il l’impartialité de sa foi, si supérieure aux questions de secte, pour se convertir à l’église orthodoxe ? Tel est pour moi désormais le principal intérêt de son récit. Je laisse là le journal où est raconté heure par heure le séjour du grand-duc à Jérusalem, du moins je n’en veux prendre que ce qui peut nous révéler l’idée secrète de cette mission, accomplie trois ans après la fin de la guerre de Crimée. Je ne m’arrête pas à ces études si curieuses d’ailleurs sur les lieux saints, à ces vives peintures entremêlées de discussions péremptoires, à ces tableaux si neufs où les derniers résultats de la science sont contrôlés avec tant de précision. Depuis les lettres de saint Jérôme jusqu’aux pages de la Citez de Jérusalem écrites au XIIe siècle, depuis les pèlerins et les croisés du moyen âge jusqu’aux grands hagiographes allemands et américains de nos jours, M. Robinson, M. Schultz, M. Titus Tobler, — pas un livre, pas un témoin n’a échappé aux enquêtes de M. Tischendorf. C’est un vrai plaisir de le suivre à la Via dolorosa, à la maison de Pilate, à l’église Sainte-Anne, au jardin des Olives. Quel antiquaire résoudrait mieux toutes les questions que pose ici à chaque pas le sphinx des ruines ? Souvenirs des Juifs, des chrétiens, des Arabes, des Turcs, débris de tous les âges, reliques de toutes les civilisations, qui les débrouillerait d’un coup d’œil plus sûr ? La visite au cloître de Saint-Saba, la visite à Bethléem, offrent des scènes de l’intérêt le plus vif même pour qui a lu déjà les pages admirables de Titus Tobler. Eh bien ! je laisse de côté cette chronique, résumé fidèle des dix journées que le grand-duc et la grande-duchesse ont passées à Jérusalem ; ce qui m’intéresse par-dessus tout, ce sont les sentimens religieux de l’auteur, et ce qu’y ont ajouté à son insu les séductions du mysticisme russe.
Un jour, après avoir visité à Bethléem le berceau du christianisme, M. Tischendorf ne peut retenir un cri de douleur en pensant