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bonne littérature sera toujours assurément l’auxiliaire de la bonne morale. Un peu de mélange est inévitable dans cette classe de livres couronnés par l’Académie ; mais, l’idée acceptée, comment se fait-il que ce soit justement un des ouvrages les plus distingués du concours, le livre des Moralistes sous l’empire romain de M. Martha, pour lequel M. Villemain se montre le plus sévère et le plus réservé ? M. Martha est, avec M. Boissier, de cette génération de professeurs, de jeunes érudits de l’université occupés à déchiffrer encore une fois l’antiquité romaine ou grecque, et qui relèvent la science par l’esprit, par la grâce élégante, par un goût purement littéraire. Ils s’entendent merveilleusement à faire de l’érudition classique une chose aimable et attrayante. Je n’assure pas que le livre de M. Martha doive exercer une influence souveraine et décisive sur les mœurs, d’autant plus qu’il est de cet ordre de livres qui ne s’adressent pas à la masse des lecteurs ; mais c’est assurément une étude de littérature aussi savante que fine, et si l’auteur ne s’échauffe pas comme Diderot, s’il ne cherche pas dans les œuvres de la pensée les protestations de principes, s’il a quelque faiblesse pour Lucien, le terrible moqueur, ce n’est pas absolument un grand mal, ni même une méprise dangereuse pour les mœurs contemporaines.

CH. DE MAZADE.


LA CHAPELLE DU PALAIS DE L’ÉLYSÉE.


Il n’est pas rare de voir, dans les palais destinés à l’habitation d’un souverain ou d’un prince, la chapelle étaler une opulence orgueilleuse en désaccord avec les sentimens et les pensées que doit inspirer un pareil lieu. Arrive-t-il en revanche que la contagion de ce luxe profane l’ait épargnée : l’espace est parfois si restreint, la modestie de l’aspect forme un tel contraste avec les magnificences environnantes, qu’on prendrait presque le logis de Dieu pour celui d’un des plus minces officiers de la maison, d’un hôte avec lequel il n’y a ni beaucoup de façons à faire, ni une étiquette fort rigoureuse à observer. On sait le mot de cet étranger visitant les écuries du château de Chantilly, et demandant comment Dieu pouvait être traité dans une demeure où l’on hébergeait ainsi les chevaux. En face des ornemens dont certaines chapelles royales sont surchargées, il ne serait ni moins opportun ni moins juste de se demander quels trésors de fantaisie et de luxe ont pu être dépensés ailleurs pour la décoration d’une salle de fête, puisque les architectes et les peintres semblent s’être proposé ici une tâche du même genre et en avoir d’avance à peu près rempli les conditions. Faudrait-il par exemple entreprendre de grands changemens dans la chapelle du palais de Versailles, s’il s’agissait de l’approprier à une destination toute différente de celle qu’elle recevait il y a bientôt deux siècles ? Et cependant Mansart, Lafosse, d’autres artistes encore, qui ont élevé ou orné les murs de la chapelle de Versailles, n’étaient pas seulement des