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et le plus important des trois, les desiderata embrassent quatre épîtres de saint Paul, les derniers chapitres de l’épître aux Hébreux et l’Apocalypse. On comprend la valeur d’un texte grec égal par l’ancienneté au manuscrit du Vatican, et le seul complet entre tous ceux qui, du Ve siècle au XVe, ont échappé aux ravages des années.

Voilà par quelle conquête M. Tischendorf inaugurait la mission russe en Palestine, voilà le souvenir qu’il attachait au voyage du grand-duc Constantin à Jérusalem. L’escadre russe peut apparaître dans les eaux de la Méditerranée et aborder à Jaffa ; le jour où le frère du tsar et sa noble compagne mettront le pied sur la terre sainte, le chercheur des textes sacrés, envoyé d’avance à la découverte, pourra leur montrer le diamant tant souhaité, la perle de l’Orient chrétien, le Codex Sinaiticus ! Rome, Paris, Londres, possédaient chacune un témoin de ces vieux âges ; Saint-Pétersbourg aura le sien, et ce sera le plus précieux de tous.


III

Le 10 mai 1859, un mouvement inaccoutumé animait le port de Jaffa. De hauts personnages, membres du corps diplomatique ou dignitaires de l’église d’Orient, se pressaient sur le quai ; des barques pavoisées attendaient un signal. Vers midi, on aperçut deux frégates arrivant du côté de la Grèce. Aussitôt le consulat russe et tous les autres consulats de la ville arborèrent leurs pavillons. Plus de doute, c’étaient bien les hôtes annoncés depuis quelques jours ; le grand-duc et la grande-duchesse Constantin faisaient leur pèlerinage en terre sainte. Les deux frégates, que venait de rejoindre un vaisseau de ligne, ne tardèrent pas à jeter l’ancre ; aussitôt une barque où flottait le drapeau amiral sortit du port, et, bravant les vagues soulevées, se dirigea intrépidement vers le navire impérial. C’étaient des diplomates russes, les consuls de Jaffa et de Jérusalem avec le consul-général de Syrie, impatiens de saluer les premiers les augustes voyageurs. Bientôt le grand-duc et sa femme abordent sur le quai ; ils sont reçus par l’archevêque de Petra, vicaire du patriarche de Jérusalem, ainsi que par le caïmakan de Jaffa et le commandant de la garnison. A travers la foule qui se presse au-devant d’eux, ils se dirigent vers la cathédrale grecque, où leur bienvenue est célébrée par un Te Deum ; ils se rendent ensuite dans le cloître grec, transformé en palais pour les recevoir, et c’est là que le soir même ils donnent un festin somptueux au corps diplomatique, aux autorités de la ville, à tous les notables du pays.