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régime. La grande supériorité des financiers libéraux, c’est qu’ils ôtent au public la peine de déchiffrer ce grimoire, et qu’ils traduisent en langue vulgaire la lourde algèbre bureaucratique. Jamais dans un discours de M. Gladstone ou de M. Thiers vous n’êtes arrêté par un vilain mot de métier. M. de Montalivet participe à cette grâce d’état qui fait don de la clarté aux hommes politiques épris de la vérité, et qui se font un devoir de la rendre accessible à tous. Quand on connaît l’état de souffrance physique dans lequel M. de Montalivet est depuis plusieurs années, on admire cette chaleur de sentiment qui l’anime pour le bien public, cette ardeur et cette activité d’esprit qui luttent contre la douleur et la dominent.

La combinaison du projet de loi que M. de Montalivet met en lumière et sur laquelle il éveille la sollicitude des conseils-généraux est celle qui porterait en fait de 112 millions à 123 les ressources mises à la disposition des départemens pour leurs dépenses. Certes M. de Montalivet ne trouve point à redire à l’augmentation de ces ressources ; cette augmentation est nécessaire. Les départemens sont en train de dépenser plus qu’ils ne reçoivent : ils s’endettent, leurs finances sont dans une situation critique, il est urgent d’accroître leurs ressources ; mais ici il y a trois questions à examiner. Quelle est la cause principale de l’accroissement inévitable des dépenses ? A qui faut-il demander les nouvelles ressources ? Où le projet de loi les prend-il ? Il est certain que l’accroissement de charges que subissent les départemens provient surtout des dépenses mixtes, c’est-à-dire de dépenses faites dans l’intérêt de l’état plus que dans l’intérêt du département, et dans lesquelles le département est substitué à l’état comme un meilleur administrateur, telles par exemple que les alignemens, loyers et ameublemens des préfectures et sous-préfectures, des cours et tribunaux, d’une partie des routes départementales, du service des aliénés et des enfans trouvés, etc. Il y a là toute une catégorie de dépenses auxquelles correspondent les centimes obligatoires, qui, par leur caractère général, ont bien plus pour objet de défrayer des services de l’état que de subvenir à des intérêts départementaux. Ces charges étant arrivées à l’excès, c’est plutôt l’état, avec son budget général, que le budget départemental qui devrait faire face à l’insuffisance des ressources. En pareil cas, l’équité, la logique, voudraient que l’état vînt au secours du département ; les précédens se prononcent pour cette politique. Sous la restauration, sous le gouvernement de Juillet, sous la république de 1848, l’état, en de telles rencontres, a toujours pris sur le budget général les secours qu’il s’est tenu pour obligé d’apporter aux départemens en détresse. Le nouveau projet de loi comprend différemment les nécessités de la situation et s’écarte des anciens précédens. Il résulterait des combinaisons annoncées par ce projet, de l’économie qu’il introduit dans la levée et la distribution des centimes, que l’accroissement d’environ 11 millions donné aux ressources départementales ne serait point emprunté au budget général, mais qu’il