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que, par l’effet soit des routines du despotisme de l’ancien régime, soit des nécessités de circonstance créées par des l’évolutions soudaines, soit de l’ambition jalouse de pouvoirs nouveaux qui croient rendre leur autorité plus vigilante et plus stable en l’étendant partout, l’organisation des groupes politiques et administratifs s’est faite de haut en bas, s’est constituée à priori. Tout est parti, tout part du pouvoir central. Le pouvoir central est présent, est maître dans le département, dans l’arrondissement, dans la commune. On a bien supposé en principe que les divers groupes devaient avoir une vie propre et exercer cette vie par des représentans ; mais en pratique on a voulu que le premier et le dernier mot appartinssent à l’agent du pouvoir central placé à la tête de chaque groupe, et ces groupes, frappés d’une minorité perpétuelle, ont été placés sous la tutelle de l’état. Ce système et ce régime sont la centralisation, sous laquelle s’éteint toute spontanéité locale et s’alanguit chez nous la vie publique. Cette façon de construire l’état à priori et de haut en bas est artificielle : c’est la centralisation dans le mauvais sens du mot. La méthode naturelle, — une fois bien définis et délimités les attributions et les droits de l’état, du département, de la commune, — est au contraire de faire partir la vie de la base pour la conduire au sommet. Que chaque groupe vive de sa vie propre et spontanée, et se rattache harmonieusement et librement à l’unité centrale par un lien élastique et souple, que la commune et le département s’administrent eux-mêmes autant que possible et soient administrés par l’état le moins possible, voila ce qu’on demande sous le nom de décentralisation. Et ici il ne faut point prendre le change et confondre certains effets matériels avec l’essence même de la centralisation abusive. Un des inconvéniens pratiques de la centralisation est de nuire à la prompte et logique expédition des affaires en les obligeant à passer par la longue filière de la hiérarchie administrative. Quelques-uns, le gouvernement entre autres, ont souvent l’air de croire que l’on a suffisamment décentralisé quand on a dispensé les affaires de subir l’action de certains rouages qui les ralentissaient, quand par exemple on en a transporté la décision finale du ministre au préfet. L’accroissement des attributions et de l’autorité du préfet aux dépens du pouvoir ministériel n’a rien à faire avec la décentralisation morale que poursuivent les esprits libéraux. La décentralisation que l’on demande aujourd’hui pour la France, c’est la réduction du pouvoir des agens de l’autorité centrale au profit des représentans élus des associations locales, à propos des intérêts et des questions qui touchent directement ces associations. Ce que l’on veut, c’est l’émancipation du département et de la commune.

Cette émancipation nécessaire mûrit sous nos yeux. Elle n’est plus une aspiration vague et paresseuse ; elle se présente à nous comme un plan délibéré répondant aux nécessités pratiques et actuelles de la question. Nous avons à signaler ici une des tentatives les plus intéressantes et les