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de plus l’ami du gouverneur. Assailli à la fois par vingt communes, il vit son château, le plus fort de la contrée, pris d’assaut et mis à sac. Un redoublement de violences s’ensuivit. « Toute la Basse-Bretagne, dit un historien breton, était en feu. Ce n’étaient plus seulement les pays de Châteaulin, de Carhaix et les alentours de Landernau : c’était la Cornouaille entière et les deux tiers du Léon ; dans l’évêché de Tréguier, les pays de Morlaix, de Lannion, de Guingamp ; dans le diocèse de Vannes, ceux d’Aurai, d’Hennebon, de Pontivy, presque tout le duché de Rohan. » Naturellement gentilshommes et bourgeois s’empressèrent de quitter la campagne avec leurs meubles et effets les plus précieux pour rentrer dans les places où ils se croyaient plus en sûreté. « La plupart des villes sont encore dans leur devoir, écrivait en effet l’évêque de Saint-Malo à Colbert le 23 juillet 1675, mais il n’y en a quasi plus aucune que ces paysans ne fassent trembler. »

Tant d’audace ne pouvait rester impunie, et le simple bon sens aurait dû faire comprendre aux révoltés que la répression serait sans pitié. Les plus imprévoyans purent s’en douter en apprenant vers les premiers jours d’août que le bailli de Forbin, lieutenant-général, et le marquis de Vins, capitaine d’une compagnie de mousquetaires, se dirigeaient sur la Bretagne avec six mille hommes. Ils venaient de loin, et ils marchaient lentement, car l’ennemi (une province entière) ne pouvait leur échapper. Le 28 août, l’évêque de Saint-Malo prévint Colbert du bon effet que leur arrivée avait déjà produit. Le duc de Chaulnes, qui les attendait dans les murs de Fort-Louis, se mit à leur tête, gagna Quimper et de là le pays de Carhaix, centre et quartier-général de la révolte. On ne sait encore que vaguement les détails de la lutte qui s’engagea, mais les rebelles furent défaits à la première rencontre, et les penderies, comme dit Mme de Sévigné dans sa langue énergique, commencèrent. Vainement ils s’attroupaient, tombaient à genoux par bandes devant les soldats, criant mea culpa, « le seul mot de françois qu’ils savaient, » le duc de Chaulnes ne les ménageait pas. Carhaix et Quimper, les pays d’Hennebon et de Pontivy, les cantons du Léon et l’évêché de Tréguier virent les actes de sa justice expéditive. Après eux, Guingamp, Morlaix, Lannion, eurent leur tour. Ceux qui avaient la vie sauve étaient envoyés à Brest ou à Toulon pour le service des galères. » Les paysans ont été bien punis de leur rébellion, écrivait-on le 24 septembre de l’évêché de Tréguier ; ils sont maintenant souples comme un gant ; on en a pendu et roué une quantité. » Tout en semant l’effroi sur sa route, le duc de Chaulnes se dirigeait vers ; Rennes avec lune lenteur calculée, bien faite pour donner de la crainte, et qui inspira en effet à ses habitans une véritable épou-