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qu’on voudroit. » Si mois après, le même intendant proposait, à l’occasion de nouvelles inquiétudes causées par Audijos, de se tirer cette épine du pied en lui donnant une abolition et quelque emploi hors du royaume. La correspondance officielle ne dit pas si ce conseil fut suivi, et l’on ignore même ce que devint Audijos. Quoi qu’il en soit, la gabelle était désormais établie dans les Landes, mais on vient de voir après quelles luttes et quels compromis[1].

des troubles non moins sérieux, occasionnés par une augmentation des droits d’aides, agitèrent vers la même époque une autre partie du territoire, le Berri. On avait imaginé de taxer les vins le tiers de leur valeur. Poussées à bout, les populations s’émurent. Des exécutions capitales, des condamnations aux galères (Dieu sait si l’on s’en faisait faute !) signalèrent ces tristes épisodes au sujet desquels un maître des requêtes en mission écrivait de Bourges à Colbert le 18 juin1664 : « Il règne en ce pays une misère bien plus grande que celle des autres provinces. La mortalité de leurs bestiaux, le peu de commerce de ceux qui restent et la stérilité des dernières années doivent entrer en considération pour ne pas accabler le peu de vin qui reste. Bref, le menu peuple est à l’aumône. » Telle était donc la situation du royaume, même avant les grandes guerres contre l’Europe coalisée. Si pendant son ministère Colbert parvint à augmenter de trente millions les revenus de l’état, ce ne fut pas du moins sans soulever bien des plaintes légitimés. Une insurrection qui éclata dans le Roussillon en 1668 a laissé quelques traces dans sa correspondance. Il s’agissait encore de la gabelle, dont le Valespir était parvenu à s’exonérer, et qu’on voulut y rétablir. De nombreux villages se révoltèrent, et des soldats indigènes, les miquelets, prenant parti pour la population, firent aux commis une guerre qui dura deux ans. Quelques membres du conseil de Roussillon avaient tenté de se rendre sur les points soulevés pour y rétablir l’ordre. Attaqués en route par les miquelets, ils leur échappèrent à grand’peine, et plusieurs hommes de leur escorte furent tués. On regrette de voir l’illustre auteur du canal de Languedoc, qui était aussi fermier des gabelles de la contrée, conseiller à Colbert de faire incendier les villages qui auraient donné asile aux miquelets. Heureusement Riquet n’avait pas affaire à Louvois et ne fut pas écouté. Il y eut pourtant des exécutions, et le 5 juillet 1670 le ministre, écrivant à Riquet, exprimait l’espoir que « ces exemples, joints à ceux qui se feroient des autres coupables, les contiendroient dorénavant dans le devoir[2]. » Outre le Valespir, plusieurs localités environnantes, Arles-sur-Tech, Con-

  1. Depping, Correspondance administratives sous Louis XIV, t. III, p. 68 et suiv.
  2. Archives du canal du Midi, ACC, no 5.