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trer dans leurs foyers, et que la province conserverait ses privilèges ! C’est à quoi elle tenait le plus. Quant à la contribution de 40,000 livres, elle fut maintenue, et les états du Boulonnais en réclamaient encore la suppression en 1789.

Une insurrection redoutable, qui eut lieu deux ans après dans les landes de Gascogne, vint montrer de nouveau combien étaient grandes les difficultés toutes les fois que le gouvernement, dans une intention qu’on ne saurait trop louer, essayait de soumettre au niveau de l’impôt les diverses parties du territoire. Il s’agissait d’une taxe sur le sel, et le pays, qui paraissait en avoir été depuis longtemps affranchi, ne s’y résigna qu’à la longue et en frémissant. A peine les agens chargés de la perception eurent-ils ouvert leurs bureaux (mai 1664) que les mécontentemens éclatèrent au bourg d’Hagetmau. Un moment calmée par la retraite des gabeleurs, la sédition recommença peu après, et plusieurs assassinats furent commis. Quand le directeur de la ferme arriva, suivi de gardes et de deux compagnies de dragons, il trouva toute la lande soulevée, les villages barricadés. « On prétend, écrivit l’intendant à Colbert, qu’il y a des gentilshommes du complot, et que trente ou quarante paroisses voisines fournissent des gens. » Toujours, on le voit, la noblesse est mise en cause par les agens du gouvernement et soupçonnée de complicité. Vers le milieu du mois d’août, deux des rebelles d’Hagetmau furent pendus ; deux autres avaient été condamnés aux galères, sans compter une foule de manans et quelques gentilshommes roués et décapités en effigie. L’intendant demandait pourtant, car le pays bouillonnait encore, que les dragons ne s’éloignassent pas de Saint-Sever et de Tartas. Dans ces circonstances, il suffisait d’un chef énergique pour faire beaucoup de mal et rallumer l’incendie à peine éteint ; il se trouva. Audijos, un ancien cavalier du régiment de Créqui, condamné par contumace à être roué, parcourut les villages, excita les paysans, campa la nuit au milieu des landes, échappant à toutes les poursuites. « Il a assassiné le curé de Costure, mandait l’intendant, à cause qu’il avoit publié une ordonnance qui défendoit de lui donner retraite. On fait ce qu’on peut pour l’attraper, mais on n’a pu encore en venir à bout, parce que ce pays-là est fort fâcheux et couvert… Outre cela, les habitans et gentilshommes lui prêtent la main par connivence ou par crainte… » Audacieux et infatigable, connaissant à fond le pays, Audijos se multipliait et voyait chaque jour s’accroître le nombre de ses compagnons. Par intervalles, quelques révoltés étaient pris et pendus ; mais le meneur était insaisissable. Loin de perdre du terrain pendant l’hiver, il avait vu sa bande grossir. Outre de nombreux villages, la fertile Chalosse, Dax, Mont-de-Marsan, Tartas,