Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/1002

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rent une répression énergique et parfois impitoyable. Comprimé à Paris par l’imposant spectacle des forces militaires, le mécontentement se faisait jour où il pouvait. On doit ajouter, il est vrai, que sauf les déplorables collisions des Cévennes, toutes ces révoltes furent provoquées par des accroissemens d’impôt. Du premier au dernier jour du règne, dans les villes comme dans les campagnes, cette question, triste conséquence des grands travaux de Versailles, des prodigalités ruineuses, des guerres continuelles et des subventions accordée, aux princes, dont il fallait acheter l’alliance, agita les esprits. On ne peut plus se dissimuler aujourd’hui, en présence du témoignage officiel des intendans et des évêques, que, même du temps de Colbert, et grâce à l’influence, devenue toute-puissante de Louvois, la misère des campagnes était excessive et presque générale. On ne sera donc pas surpris que les aggravations d’impôt y aient causé de nombreux soulèvement. L’histoire s’en est à peine occupée jusqu’à ce jour, mais il n’est plus permis de les passer sous silence. Les plus considérables furent ceux qui agitèrent successivement le Boulonnais, les Landes, Bordeaux, Rennes et la Basse-Bretagne. Des mouvemens partiels qui eurent lieu à Bayonne, à Bourges, à Lyon, dans le Vivarais et les Pyrénées, à Tours, à Périgueux, au Mans, provoquèrent aussi des sévérités outrées, eu égard à la détresse de ceux qu’elles atteignaient. Il serait sans utilité de les décrire tous. Il suffira d’entrer dans quelques détails sur les principaux, d’en faire connaître les causes, les péripéties d’après des documens trop peu consultés, et de montrer enfin comment, dans ces circonstances critiques, ministres, gouverneurs, intendans, usaient, dans l’intérêt général, du pouvoir à peu près arbitraire dont ils étaient investis.


I

La première en date des grandes révoltes dont nous aurons à parler, et l’une des plus sérieuses, celle du Boulonnais, n’a pas encore été impartialement racontée. Une histoire locale a insisté sur la rigueur de la répression[1]. Les instructions de Louis XIV au dauphin, quelques lettres de Colbert et de ses agens, un mot de la Gazette de France et de Bussy-Rabutin, complètent les faits. Des quartiers d’hiver ruineux avaient, pendant plusieurs années, écrasé les campagnes. Les exigences des troupes furent surtout intolérables dans l’hiver de 1660 à cause de la cherté des grains. Désireuse d’éviter cette occasion constante de conflits, la province offrit béné-

  1. Histoire de Boulogne-sur-Mer, par MM. d’Hautefeuille et Bénard, t. Ier, p. 437 et suiv.