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Motteville, une fidèle amie de la régente, qui raconte que « les marchands eux-mêmes étoient infectés de l’amour du bien public, qu’ils estimoient plus que leur avantage particulier ? » Utiles au point de vue de l’unité territoriale et de la concentration du pouvoir, les coups d’autorité de Richelieu avaient si bien mis en relief les vices du gouvernement absolu, que toute l’habileté de Mazarin ne suffit pas à faire prendre le change. La folle ambition des princes du sang fit par malheur avorter un mouvement généreux qui aurait pu être le point de départ d’une constitution équitable et libérale, aussi nécessaire à la royauté qu’au peuple. Quant à Louis XIV, l’esprit troublé par les événemens qui se passaient en Angleterre, tournant le dos à l’avenir, il ne fit, pendant plus de cinquante ans, surtout de 1660 à 1675, qu’aggraver une situation déjà pleine de périls.

Soyons juste pourtant. Rien n’était plus de nature à lui faire illusion que le calme inusité dont jouit Paris après les sanglantes commotions de la guerre civile. Si dans les esprits ce calme se fit lentement, il n’y parut pas au dehors. A partir de 1653, et pendant toute la durée du règne, c’est à peine si aux plus mauvais temps des disettes quelques grondemens se faisaient entendre. Le maître et ses ministres, qui n’avaient pas oublié la turbulence des années de la minorité, n’aimaient pas le bruit, et aux premiers tumultes de la rue des mesures sévères rétablissaient l’ordre un moment troublé. Souvent même des explosions nationales et qui n’avaient rien d’agressif étaient étouffées à l’origine. C’est ce qui eut lieu quand circula le bruit de la mort du prince d’Orange et à l’occasion des cris proférés contre la princesse de Carignan en haine de la maison de Savoie. Invité à prévenir ces manifestations jugées inconvenantes, le lieutenant-général de police se le tint pour dit. Lors de la révocation de l’édit de Nantes, la populace de Paris (nul n’excite impunément les mauvaises passions) ayant insulté au lit de mort des protestans qui refusaient d’abjurer, la police fut encore obligée d’intervenir. Enfin à l’époque des terribles disettes de 1692 et de 1709 des troubles éclatèrent, et il fallut sévir principalement contre des soldats. Ces désordres purement accidentels n’avaient d’ailleurs aucun caractère d’opposition, et l’on peut affirmer que, pendant plus d’un demi-siècle, l’exercice de l’autorité la plus despotique ne rencontra pas le plus léger obstacle chez les Parisiens. Indépendamment du lieutenant de police et de sa justice sommaire, les gardes du roi et les mousquetaires de toutes couleurs tenaient en respect la grande ville et ses faubourgs.

Mais si la capitale du royaume goûta, à part les circonstances exceptionnelles que nous venons d’indiquer, les douceurs de cette longue tranquillité, il n’en fut pas de même dans plusieurs provinces où de graves soulèvemens, des révoltes menaçantes appelé-