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gime impérial, toutes les classes de la population y étaient expansées, et on avait fini par s’y habituer. Parfois même on peut voir que l’église chrétienne était déjà fort bien en cour. Ce fut le cas sous Commode, sous Héliogabale, sous Alexandre Sévère. Les femmes surtout se montraient bien disposées pour elle, et sous un régime absolu ce n’est pas peu dire. Il est difficile de préciser la force numérique de la communauté chrétienne de Rome pendant le IIIe siècle ; nous savons seulement par une lettre de l’évêque Corneille, conservée par Eusèbe, qu’en 251 l’église de Rome était dirigée par quarante-six presbytres subordonnés à l’évêque, et qu’elle avait à sa charge au moins quinze cents assistés. Cela supposerait un chiffre approximatif de quarante à cinquante mille âmes, sans compter le nombre déjà grand de païens qui, sans renoncer encore à la religion traditionnelle, sympathisaient du dehors avec le christianisme. Devenir chef d’une telle communauté, ce n’était déjà plus se sacrifier par humilité ni renoncer aux grandeurs de la terre.

Il ne faut donc pas s’étonner de ce qu’au sein d’une église aussi importante, au centre même du luxe et du dévergondage païen, tes mœurs chrétiennes souffrissent déjà d’un relâchement regrettable. Calliste avait raison de s’appuyer sur la parabole de l’ivraie et du bon grain pour dire qu’un tel état de choses n’était nullement un motif de croire l’église perdue. Son tort était plutôt de présenter un malheur inévitable comme un état de choses normal. Rien de plus dangereux que de donner droit de cité à l’immoralité en la couvrant du manteau ecclésiastique. Hippolyte à son tour se méprenait sur les conditions du progrès de l’église quand, à l’exemple des montanistes avant lui et des novatiens qui lui devaient succéder, il prétendait renfermer l’église dans les étroites barrières de la discipline primitive. Le sens pratique a dû lui manquer, tandis que son heureux compétiteur Calliste doit l’avoir possédé à un degré remarquable. Son ouvrage, écrit d’un style correct, mais sans élégance, souvent lourd même, divisé d’une façon très méthodique, abondant en résumés, répétitions, récapitulations, etc., rappelle à s’y méprendre le cours d’un professeur allemand. C’est l’œuvre d’un homme consciencieux, mais étroit, dépourvu d’aisance, qui fait dépendre le salut de ses lecteurs du degré d’exactitude avec laquelle ils se rappelleront le cours en dix chapitres qu’il leur fait sur la vérité dogmatique. Pour donner une idée de sa manière et aussi du point de vue où en était alors ce qui fut plus tard l’orthodoxie, nous ne pouvons faire mieux que de reproduire la dernière page, de son livre, qui suit une sorte de confession de foi où il s’efforce d’opposer la vraie doctrine aux erreurs qu’il a décrites et combattues.

Après avoir proclamé l’unité de Dieu, créateur absolu des choses,