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fut plus recherché en Occident. C’est là ce petit livre, combattant trente-deux hérésies, que Photius a lu, sachant bien qu’il était d’Hippolyte, et qui se retrouve dans le traité attribué à Tertullien. Quant à la grande Réfutation, en Orient même, où elle fut plus répandue qu’en Occident, il semble qu’une certaine défaveur l’ait suivie, comme si des bruits suspects en eussent rendu la lecture peu recommandable. Ce qui est certain, c’est qu’il s’en détacha des parties bonnes à consulter, formant un tout par elles-mêmes, et qui circulèrent anonymes. Ainsi le premier livre, qui offrait un tableau abrégé des divers systèmes philosophiques de la Grèce, fut recherché et désigné par le nom de Philosophoumena. C’est d’ailleurs par ce mot que l’auteur lui-même désignait le commencement de son ouvrage. Dans l’ignorance où l’on était de la véritable source de ces considérations, on les attribua au grand théologien philosophe d’Alexandrie, à Origène, à qui l’on prêtait aisément tout ce qui, dans la littérature chrétienne du IIIe siècle, dénotait une connaissance quelque peu approfondie de la philosophie grecque. Ainsi s’établit la coutume de reproduire les Philosophoumena dans ses œuvres complètes. De même le dixième livre, celui qui résume tout l’ouvrage, se détacha de l’ensemble, et c’est lui que Théodoret a reproduit en partie, sans savoir de qui il était ; c’est lui que Photius a lu sous le titre de Labyrinthe (ce dixième livre commence par ce mot, qui veut faire allusion au caractère obscur des doctrines hérétiques où l’on s’égare), et qu’on attribua à Caïus, à qui on trouvait aussi fort commode de faire remonter les compositions anti-hérétiques d’origine romaine. La Réfutation tout entière ne fut copiée que rarement, et c’est une merveille qu’on en ait découvert un manuscrit, d’ailleurs incomplet, et dont le texte, écrit par une main malhabile, réclame de nombreuses corrections.

Voilà donc l’histoire du livre énigmatique reconstituée avec bien de la peine, mais avec une vraisemblance qui satisfait l’esprit, car tous les termes de l’équation à résoudre se retrouvent dans la solution. Restent pourtant deux points sur lesquels la critique n’a peut-être pas dit son dernier mot : c’est la statue d’Hippolyte et la position qu’il prit à Rome vis-à-vis des évêques Zéphyrin et Calliste.

Quant à la statue, il faut reconnaître, avec MM. de Bunsen et Doellinger, qu’elle a bien certainement été consacrée à la mémoire d’Hippolyte par un chrétien ou des chrétiens de Rome qui l’avaient en grande vénération. La comparaison des titres d’ouvrages indiqués sur la base avec les listes reproduites par Eusèbe et Jérôme ne permet pas d’hésiter ; mais je ne saurais admettre avec l’honorable chanoine de Munich qu’elle ait reçu cette destination peu de temps après la mort de celui qu’elle est censée représenter. Le canon