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coup dans l’hymne qu’il composa en l’honneur de saint Hippolyte. Le nom de la compagne légendaire du martyr Hippolyte, Concordia, fait aussi penser à une peinture allégorique voisine de la première. — Un autre saint Hippolyte, d’origine orientale cette fois, sous le règne de Claude (c’est-à-dire dans un temps où tout au plus quelques chrétiens pouvaient se trouver dans Rome et où il n’était pas question de persécutions sanglantes), aurait joué un rôle saillant lors du supplice d’une princesse impériale non moins imaginaire, sainte Chryse ou sainte Aurée, horriblement martyrisée et finalement jetée à la mer près d’Ostie avec une pierre attachée à son cou. Le corps de Chryse surnagea miraculeusement, et le diacre Hippolyte, l’ayant retirée de l’eau, l’enterra pieusement devant les portes d’Ostie, après quoi, condamné à son tour, il aurait été noyé par ordre du préfet dans les fossés de la petite ville de Porto. M. Dœllinger n’a pas de peine à montrer combien toute cette légende est apocryphe. C’est elle pourtant, uniquement elle, qui a donné lieu à la tradition d’après laquelle saint Hippolyte aurait été évêque de Porto. — Il y a de plus un saint Hippolyte d’Antioche, un autre saint arabe du même nom (seulement ce nom se change en celui d’Abulides), d’autres encore, tous sans la moindre réalité historique. — Enfin il y a le saint Hippolyte du poète Prudence, qui n’est qu’une variante de celui que nous avons indiqué en second lieu. Seulement sa légende contient un trait remarquable, qui n’a pu être inventé pour glorifier le saint : Hippolyte, selon Prudence, aurait été novatien, c’est-à-dire partisan de l’évêque schismatique Novatianus, qui, vers l’an 250, se mit à la tête du parti de la rigidité disciplinaire et fut le rival du pape Corneille. Il y a là un anachronisme évident, le véritable Hippolyte ayant été déporté en Sardaigne quinze ans avant le schisme de Novatien ; mais il pourrait y avoir aussi le souvenir défiguré d’une réalité que M. Dœllinger se flatte d’avoir devinée.

En tout cas, il a atteint le but qu’il se proposait en démêlant si laborieusement le cycle de légendes formées autour du nom d’Hippolyte. Il en résulte que rien n’appuie historiquement les suppositions de M. de Bunsen sur sa dignité épiscopale à Porto jointe à son titre de membre du presbytérat romain. Comme pourtant l’auteur de la Réfutation des hérésies paraît s’attribuer le rang d’évêque et a certainement vécu à Rome, M. Dœllinger ne voit qu’un moyen de dissiper ces apparences contradictoires, c’est d’admettre qu’Hippolyte a été un évêque dissident, l’auteur d’un schisme qui aurait éclaté sous Calliste, probablement en suite du dépit que lui faisait éprouver l’élévation de ce dernier à l’épiscopat légitime par le suffrage du peuple chrétien de Rome. C’est ce qui explique la passion avec laquelle Hippolyte a cherché à discréditer son heu-