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ler à chaque instant ce personnel afin de faire place aux mécontens et de donner à chacun son tour, suivant ce dicton populaire : Εφαγεν αύτός, ας φαγη χαί αλλος[1], que la nécessité a érigé en axiome gouvernemental[2]. En appelant à de nouveaux emplois et en dirigeant vers un but pratique toutes ces activités, qui, faute de trouver aujourd’hui à s’exercer dans le domaine de l’industrie et des travaux utiles, se jettent avec ardeur dans celui de la politique, où le conflit de leurs ambitions engendre de perpétuels orages, les grandes entreprises que la Grèce verra bientôt s’exécuter auront le double avantage d’alléger le trésor d’une immense charge et de faire disparaître un élément permanent d’agitation et de discordes civiles. La garantie d’intérêt qu’exigeront toujours les capitalistes sérieux ne constituera donc pas pour les finances grecques un sacrifice, mais une avance largement compensée par la réalisation immédiate de fortes économies et par l’accomplissement progressif des plus salutaires réformes.

L’état, possesseur à lui seul des trois quarts du sol du royaume, dont il ne tire à peu près aucun revenu, se trouve par le fait en mesure d’offrir aux compagnies de chemins de fer des avantages tout particuliers. En premier lieu, ainsi que le proposait en 1860 M. E. Argyropoulos dans un mémoire fort judicieux adressé au ministre de l’intérieur, l’état, en sa qualité de propriétaire, consentira à s’exproprier lui-même gratuitement du terrain sur lequel reposera la voie ferrée. Il cédera de plus à la compagnie l’exploitation des mines de lignite situées sur le parcours du chemin, telles que celles de Katouna et de la Béotie, celles même de Koumi, qui,

  1. « Celui-ci a mangé, il faut que l’autre mange aussi. »
  2. « Quinze ministres des finances se sont succédé aux affaires depuis 1843… Ces ministres ont eu leurs cliens et leurs amis, et ceux-ci doivent prendre la place des cliens et des amis du prédécesseur, entretenant ainsi cette ardeur de tous les Grecs à rechercher les fonctions publiques. Est-il besoin de déduire les conséquences de cette instabilité des fonctionnaires dans un pays où le manque d’hommes expérimentés se fait sentir, quand les nations les plus favorisées reconnaissent que l’éducation administrative ne s’improvise pas, et qu’elles ne sauraient avoir un personnel de rechange ? » Nous trouvons cette remarque d’une parfaite justesse dans le rapport de M. de Plœuc, qui représentait le gouvernement français dans la commission financière formée par les trois puissances protectrices. Ce rapport fait partie d’un ensemble de travaux dont la Revue s’est déjà occupée (n° du 15 juillet 1862, — la Grèce sous le roi Othon, par M. René de Courcy). Les études ainsi commencées ne cessent de se poursuivre, et le sympathique intérêt que le ministre des affaires étrangères de France, M. Drouyn de Lhuys, porte à la Grèce a laissé plus d’une trace dans les documens que nous avons pu consulter.