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Ce n’est pas à son importance actuelle, mais à sa situation géographique, que le petit port de Vonitza doit d’être désigné comme la meilleure tête de ligne du chemin de fer projeté. Vonitza est en effet l’un des points des frontières helléniques les plus rapprochés du continent européen. Lorsque le réseau sud des chemins de fer italiens atteindra l’extrémité de la péninsule, la Grèce, actuellement isolée, pour ainsi dire, de notre continent par une longue navigation que rendent souvent dangereuse les violentes tempêtes du golfe de Lion et celles plus redoutables encore du cap Matapan, n’en sera plus séparée que par une courte traversée entre Vonitza et Otrante ou Brindisi. À moitié chemin se trouve Corfou, la métropole des Sept-Iles. La voie ferrée aboutissant au port de Vonitza, que ne fréquentent guère aujourd’hui que des barques de pêcheurs et de petits navires de cabotage, aura donc l’immense avantage de lier étroitement la Grèce au mouvement de la grande circulation européenne, et de créer entre le royaume et les îles une communication prompte, facile, journalière, par conséquent des liens plus solides, de plus fréquens échanges, des relations plus intimes. Le tracé que nous avons à suivre, serrant de près le rivage, nous conduit en premier lieu au village de Balibey et longe de riches salines, qui, mieux entretenues et plus rigoureusement surveillées, seraient d’un bon revenu pour l’état[1]. À Balibey, le chemin tournera assez brusquement vers le midi, descendra sur le bord des lacs dont nous avons parlé et au pied des montagnes qui occupent le centre du Xéroméros, entraînant ainsi à travers l’une des plus belles régions de la Grèce le voyageur, aux yeux émerveillés duquel se déroulera l’imposant panorama des chaînes superposées du Valtos et de l’Etolie. Entre le grand et le petit Ozéros, la ligne, obliquant à l’est, rejoindra le fleuve Acheloüs près des ruines de l’antique Stratos, autrefois capitale de l’Acarnanie. La station principale de cette

  1. La Grèce possède des salines sur presque toutes ses côtes. Jusqu’à ce jour, le gouvernement n’en a exploité qu’un petit nombre à peine suffisant à la consommation intérieure ; si, par une circonstance fortuite, le sel extrait n’atteint pas la quantité nécessaire, il faut recourir au sel étranger, frappé d’un droit considérable. On a calculé que les salines, si elles étaient toutes exploitées, produiraient une quantité quintuple de celle qu’exigent les besoins de la consommation. Le sel extrait des salines est entassé en plein air en amas de 120,000 kilog. environ. On entoure le tas de broussailles auxquelles on met le feu ; il se forme ainsi autour du tas un enduit solide et résistant qui le préserve de l’influence des pluies. Cet enduit peut durer efficacement pendant deux ou trois ans ; en renouvelant l’embrasement au bout de ce temps-là, l’amas de sel pourrait rester indéfiniment en place. On évite ainsi tous frais de transport et d’emmagasinage. Le sel revient au gouvernement à 18 centimes environ les 100 kilogrammes. Des négocians en ont offert jusqu’à 1 fr. 30 cent, pour l’exportation. Malgré l’énorme bénéfice que de tels marchés lui auraient assuré, l’ancien gouvernement a toujours repoussé ces offres.