Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/876

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des cultivateurs isolés, pourvus seulement de modiques ressources, ont presque toujours doublé, souvent triplé le capital de ceux qui les ont entrepris[1]. Ce résultat donne la mesure des avantages immenses qu’on doit attendre de cette opération une fois érigée en système et largement pratiquée. Le dessèchement du Copaïs à lui seul livrera à l’agriculture 20,000 hectares d’une terre prodigieusement fertile, noire, appelée par les Grecs λιβάδεια, saturée des plus riches principes, propre à porter les fruits les plus variés. Le riz, le maïs, le tabac, la garance, le coton, quoique l’objet d’une culture restreinte et souvent inexpérimentée, réussissent admirablement sur le sol des bords du lac et sur celui que les habitans mettent en rapport accidentellement, lorsqu’une sécheresse exceptionnelle leur permet d’empiéter sur le domaine habituel du marécage. Le coton surtout, conjointement avec la soie, qui vient en abondance déjà en Messénie et dans divers districts du Péloponèse, sera l’un des élémens les plus féconds de la fortune de la Grèce. D’après une étude faite par M. Éric Cargular, vice-consul d’Angleterre à Athènes, le coton était sous la domination turque l’objet d’une culture assez assidue ; celui de la Livadie, dont la qualité est supérieure, aurait été le premier introduit à Manchester, où il continue à être recherché aujourd’hui. Abandonnée depuis la guerre de l’indépendance, reprise avec une certaine vigueur en 1861 à la suite de la guerre d’Amérique, cette culture a fait depuis cette époque de grands et rapides progrès. Les chiffres officiels donnés par M. Cargular portent l’exportation du coton à une somme de 1,500,000 drachmes pour l’année 1802 ; cette somme était triplée dès l’année suivante. Enfin en 1864 la culture du coton occupait en Grèce une surface de 75,000 stremmes ou 7,500 hectares[2], dans lesquels la Livadie entrait pour plus d’un tiers, et la somme produite par cette culture dépassait 15 millions. La rapidité de cette progression n’est-elle pas un témoignage des excellentes aptitudes et des dispositions sérieuses du peuple grec, une preuve de la fortune réservée à toutes les entreprises qui auront pour but d’exploiter les richesses de ce sol ?

Les terres assainies du Copaïs pourront, suivant le calcul de l’habile ingénieur français, occuper et nourrir une population de 30,000 âmes ; la moitié de ce chiffre au moins sera nécessaire à

  1. On nous a même cité l’exemple de quelques paysans qui sont parvenus, par des moyens tout à fait élémentaire, à dessécher quelques parcelles de terrain sur les bords du Copaïs, et qui, avec une dépense de 20 drachmes par stremme, ont réussi à former des terres d’une qualité supérieure, qui ne valent pas moins aujourd’hui de 300 drachmes par stremme. — Le stremme équivaut au dixième de l’hectare.
  2. Le rapport de M. Cargular divise ainsi cette culture sur le sol de la Grèce : Livadie, 35,000 stremmes ; Ptithiotide, 20,000 ; Thèbes, 15,000 ; le Valtos, 5,000 ; Péloponèse, 15,000 ; Cyclades, 10,000.