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fouille le quartz de la montagne pour en tirer de l’or. Plusieurs des mines d’or du Mont-Rose sont abandonnées ou ne sont exploitées qu’à perte. Dans une seule, celle de Pestarena, les travaux se font sur une grande échelle et donnent, paraît-il, de bons résultats. Du temps de Saussure, les produits étaient plus abondans et répandaient une remarquable aisance dans ces hautes régions. Les frères Vincent, les premiers qui ont escaladé la cime méridionale du Mont-Rose, qui porte leur nom[1], ont exploité une veine aurifère aux bords du glacier de Garstelet, à l’énorme hauteur de 9,734 pieds, et c’est en résidant dans la hutte de pierres élevée en cet endroit que les frères Schlagintweit ont pu faire leurs belles observations météorologiques. Malgré tant de mécomptes, la race des chercheurs d’or n’est pas éteinte ; seulement ils ont le bon esprit de mettre leurs mines en actions. La seule difficulté est non de trouver le précieux minerai, mais l’Anglais (il signor Inglese) qui doit fournir le capital indispensable à l’exploitation. Quand nous passâmes à Alagna, on nous offrit une mine d’or pour un prix fort minime ; mais tout alentour les bâtimens en ruine et les galeries abandonnées indiquaient assez le sort qui attend ceux qui seraient tentés de se lancer en pareille aventure. C’eût été le cas de citer la fable du Lion malade et du Renard.

Les vallées du versant italien ne présentent pas de contre-forts aussi majestueux que le Saasgrath ou l’éperon du Weisshorn du côté nord, mais elles ont un caractère qui frappe vivement l’imagination. Elles débouchent dans la chaude et humide vallée de la Doire, toute parée de la luxuriante végétation du midi, de vignes suspendues en guirlandes à des colonnes de serpentine, de maïs arrosés élevant à douze pieds de hauteur leurs feuilles des tropiques et leurs épis énormes. On passe ainsi en un seul jour des régions glacées, où toute vie a cessé, dans une terre si pleine de force végétative et si chargée de gaz épais qu’elle donne à la plante une croissance extraordinaire. Qu’on descende du Théodule

  1. Les neuf cimes du Mont-Ross sont, en allant du nord au sud : la Nord-Ende (14,153 pieds), la Höchste-Spitze (14,284 pieds), la Zumstein-Spitze (14,064 pieds), la Signal-Kuppe (14,044 pieds), la Parrot Spitze (13,668 pieds), la Ludwigshöhe (13,550 pieds), le Schwarzhorn (13,222 pieds), le Balmenhorn (13,068 pieds), et la Vinrent-Pyramide (13,003 pieds). — La Zumstein-Spitze a été gravie pour la première fois par M. Zumstein, de Gressoney ; le Parrot-Spitze par le docteur Parrot, savant allemand connu par ses travaux géodésiques dans le Caucase ; le Signal-Kuppe par M. Gnifetti, curé d’Alagna ; la Ludwigshöhe par M. Ludwig von Welden, auteur de l’excellent travail intitulé Der Monte-Rosa eine topographische und natur historische Skizze. M. Briquet a publié dans la Bibliothèque universelle de Genève (1861) un résumé très complet des ascensions aux pics du Mont-Rose entreprises par le revers méridional. Voyez aussi Nozioni topographiche del Monte-Rosa, per Giovanni Gnifetti, paroco d’Alagna.