On sait que l’Abyssinie est un vaste plateau dont la pointe la plus avancée vers le nord surplombe le sahel ou littoral de la Mer-Rouge d’une hauteur de près de sept mille pieds. A quelques lieues de ce plateau s’élève sur un îlot madréporique la petite ville de Massouah, exposée à toutes les influences d’une température énergiquement caractérisée par ce proverbe anglo-indien : « Pondichéry est un bain chaud, Aden une fournaise, Massouah l’enfer. »-Malgré sa fâcheuse réputation au point de vue du climat, cette ville de huit mille âmes n’en jouit pas moins comme centre commercial d’une célébrité toute particulière en Égypte aussi bien qu’en Abyssinie ; elle la doit à son port, le plus animé, le plus important de la Mer-Rouge après celui de Djeddah. Massouah mérite aussi à un autre titre d’attirer l’attention du voyageur. La région de huit lieues d’étendue qui forme en face de l’îlot où elle s’élève les rampes inférieures du plateau abyssin est occupée par trois ou quatre tribus qui peuvent compter parmi les populations les plus originales de cette partie de l’Orient. Divisées en trois grandes fractions, — les Bogos, les Halhal et les Menza, — et possédant une cinquantaine de villages, ces tribus, restées indépendantes entré l’Égypte et l’Abyssinie, et qui forment des républiques pastorales régies par des institutions assez analogues à celles des primitives sociétés italiques, appellent par une touchante illusion d’amour-propre national leur pays le Sennaheit, c’est-à-dire « le beau pays, » le pays par excellence.
J’étais arrivé à Massouah à la fin de l’automne de 1863 et dans des circonstances dont j’ai déjà dit quelques mots ici[1]. La vue
- ↑ Voyez la Revue du 1er novembre et du 1er décembre 1864.