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précieux sans doute, mais n’est-ce pas la vérité même ? Que parle-t-on d’ailleurs d’économie et d’humanité ? Vivons-nous donc dans un temps où l’épargne soit si fort en honneur, ou bien ne serait-ce pas, comme on l’a dit beaucoup trop, que les dépenses les plus utiles auraient eu plus d’une fois à subir le contre-coup de vaines magnificences ? A Dieu ne plaise ! On peut aussi faire remarquer que si l’application générale du système cellulaire exige à l’origine des avances considérables, il n’est pas moins vrai, d’un autre côté, que cette dépense première serait successivement amortie par l’économie qui résulterait tout d’abord du ralentissement de la criminalité, sans parler même de cette autre économie encore plus notable que procurerait la diminution à tous les degrés de la durée des peines. Ceci est élémentaire et n’a jamais fait l’objet d’un doute.

Quant aux conditions d’humanité dont les premiers essais du régime cellulaire n’auraient pas tenu suffisamment compte, il serait bien temps aussi de s’entendre sur ce point. Serait-ce, comme on l’a tant dit et répété, que ce système s’attaque à la vie même des détenus ou réagit contre leur raison jusqu’à l’hébétement ? Je croyais en vérité que l’on était revenu de toutes ces exagérations : les hommes les plus compétens et les plus autorisés en ont fait depuis longtemps justice ; puis de tels reproches seraient peut-être en ce moment assez intempestifs. Je veux bien ne pas admettre dans toute leur gravité les rumeurs, cependant fort répandues, sur les effets de la transportation de nos condamnés à Cayenne ; mais on en peut toujours retenir, et, je crois, sans trop de témérité, que ces effets accusent une mortalité bien supérieure à celle que, dans les hypothèses les plus excessives, on voudrait imputer au régime de la cellule.

Que si l’on veut dire seulement que ce dernier régime comporte des souffrances aiguës, qu’il crée un isolement qui glace et fait peur, qu’il livre l’âme des condamnés, au commencement surtout, à de poignantes angoisses, tout cela peut être vrai : dût-on même encourir le reproche de barbarie, il faut oser dire encore qu’il est bon et très bon, dans une certaine mesure, qu’il en soit ainsi, puisqu’après tout c’est là qu’est la force du système. Il ne faudrait pas cependant, même à ce point de vue, se laisser aller à de trop folles appréhensions ; il ne faudrait pas oublier surtout que plus l’isolement de détenu à détenu sera complet et absolu, plus aussi devront être nombreux et fréquens les rapports des prisonniers avec le directeur, l’aumônier, les parens et les visiteurs honnêtes. De la sorte, la peine pour le plus grand nombre, pour les moins mauvais particulièrement, ce qui serait d’une justice toute providentielle, ne tarderait pas à être supportable sans cesser d’être