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auraient encouru une nouvelle condamnation. M. Bonneville fait remarquer que le nombre si restreint des révocations de licence (4 pour 100) s’explique par cette simple raison, qu’on n’accorde les tickets qu’à ceux qui ont donné des gages suffisans d’amendement ; je crains qu’il n’y ait là une confusion : le chiffre de 4 pour 100 ne me paraît s’appliquer en effet qu’aux licenciés non révoqués tombés en récidive et non point aux licenciés porteurs de tickets révoqués, puisqu’on voit ceux-ci figurer au chiffre total des libérés réincarcérés dans la proportion de 7 sur 10 ; ce qui certes suffit, et au-delà, pour démontrer péremptoirement l’inefficacité du système ; car enfin les porteurs de tickets révoqués, auxquels ce chiffre est applicable, sont de tout point récidivistes au même titre que les autres, et ils accusent exactement la même moralité. Cependant ils avaient passé par les quatre classes ou catégories, et ils avaient eu, à toutes les phases de la répression, des notes excellentes. D’autre part, quand on leur délivra les tickets, leur amendement n’était pas à l’état de simple présomption ; pour tous les agens, directeurs, aumôniers ou autres, ayant charge de vérifier et de prononcer, c’était un véritable amendement, très pertinemment et très attentivement constaté. Eh bien ! il est démontré, non pas pour un ou pour quelques-uns, mais pour le plus grand nombre de ces libérés, qu’en réalité cet amendement n’existait pas. En Irlande comme en Angleterre, le système pèche donc par la base même. Si cependant on veut à toute force, et plus spécialement pour les natures faibles et moyennes, qu’au début l’encellulement absolu, un régime plus sévère ensuite à tous les degrés de la détention, enfin l’action plus marquée du prêtre catholique sur un croyant plus respectueux et mieux disposé, puissent exercer en Irlande une certaine influence, je ne conteste pas qu’il y ait en ceci quelque fonds de vérité. Je crois cependant, malgré les affirmations contraires, qu’il est difficile d’avoir dès à présenta ce sujet un avis suffisamment motivé ; mais qu’importe ? Je m’en tiens à ce point que le résultat, quel qu’il soit, ne pourrait, dans tous les cas, intéresser qu’un très petit nombre d’élus. J’ajoute, et sur ceci ma conviction est entière, que le système de la détention en commun eût-il même atteint, comme en Irlande, son plus haut degré de perfectionnement, n’en serait pas moins, et très particulièrement dans un pays qu’il est inutile de nommer, dépourvu de toute efficacité régénératrice vis-à-vis de la grande masse des malfaiteurs : dès lors il n’affecterait qu’imperceptiblement le nombre des récidives.

Le prestige de la liberté préparatoire tombe donc à son tour, comme déjà s’étaient évanouies toutes les espérances fondées sur