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ment du libéré dans la société serait ainsi plus facile et à l’abri des dangers qu’une pénurie trop prochaine pourrait susciter. Il fait remarquer enfin que dans les termes de cet amendement on organiserait plus facilement le patronage des industriels et des cultivateurs, désormais en meilleure disposition, sans aucun doute, pour employer dès sujets dignes, ou pouvant le paraître, de leur bienveillance. Voilà le système tout entier, peut-être devrais-je dire l’idéal même du système, tant j’ai eu à cœur d’en réunir les traits et les élémens divers dans l’ordre le plus harmonieux et le plus sympathique. Ce n’est donc pas sans un vif regret, et malgré mon sincère désir de partager les espérances de M. Bonneville, sans doute ses dernières espérances, que j’aperçois, à travers ces combinaisons si ingénieuses et si bien ordonnées, l’écueil fatal où le système vient se briser. Cet écueil, le voici.

On dit que l’amendement moral des condamnés sera suffisamment constaté par les témoignages des préposés de la maison de détention. Si j’osais à mon tour affirmer sur ce point toute ma pensée, je répondrais très nettement que tous les modes de constatations-quels qu’ils soient, s’ils ne reposent que sur cette base, seront partout et toujours également fallacieux et impropres, je ne dis pas à donner la certitude absolue, ce serait trop exiger, mais même à nous en rapprocher à un degré quelque peu satisfaisant. C’est qu’en effet les témoignages dont on parle procèdent tous, et au même titre, de simples appréciations, et se meuvent dans le domaine si vague et si inconsistant des vraisemblances et des conjectures ! On croit enfin, pour tout dire en un mot, à l’amendement moral des condamnés sur de simples apparences ; on le veut si bien ainsi, qu’on ne songe même pas à se demander, ce qui cependant s’offre naturellement à l’esprit, si cet amendement, envisagé d’abord dans son principe, puis dans ses effets, n’aurait pas en soi une cause morale quelconque qui en serait à la fois la justification et l’honneur, s’il n’en subirait pas à un certain degré l’influence, si cette influence ne serait pas à son tour plus ou moins attestée par des faits d’une certaine nature et d’un certain caractère. C’est bien par là cependant, et même par là seulement, si je ne me trompe, que l’on pénétrerait plus ou moins au fond des choses, et que l’on pourrait être sur la trace de la vérité. Ainsi par exemple, dans cet ordre d’idées, ne serait-il pas avant tout très essentiel de vérifier si ce qu’on appelle la bonne conduite des condamnés dans la maison de détention n’aurait pas son principe, et son principe unique, dans un intérêt de pur égoïsme, intérêt direct, impérieux, avéré, se suffisant pleinement, en dehors de tout élément de résipiscence et de moralité ? Ne faudrait-il pas rechercher d’autre part si cette conduite ne serait réputée bonne par ceux qui en rendent