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a en réalité que deux systèmes en présence : celui de l’isolement cellulaire et celui de la détention en commun. Il convient de dire cependant que ces deux systèmes comportent l’un et l’autre des modifications qui peuvent les rapprocher plus ou moins, ou bien au contraire marquer entre eux une séparation vraiment radicale. C’est ainsi qu’aux États-Unis, où est né le système cellulaire, celui d’Auburn (New-York) n’est pas celui de Pittsburg ou Chery-Hill (Philadelphie), puisque dans ce dernier pénitencier c’est l’isolement de jour et de nuit, tandis qu’à Auburn c’est l’isolement de nuit avec le travail en commun pendant le jour. De même encore le régime de la détention en commun, qui domine en France et en Angleterre, est loin d’être le même dans les deux pays, puisque l’isolement absolu au début de la peine et la transportation, qui a lieu après un certain temps de détention en commun, n’y existent pas au même degré, ou y sont soumis à des conditions différentes.

L’on a cru longtemps, et peut-être croit-on encore, que l’on trouverait précisément dans des combinaisons intermédiaires, qui emprunteraient plus ou moins à l’un ou à l’autre de ces systèmes, la meilleure règle disciplinaire ; mais on peut dire aujourd’hui qu’à ce point de vue tout a été tellement expérimenté et avec si peu de succès, qu’il y a tout lieu de croire que de nouvelles tentatives ne pourraient que se confondre avec celles qui les ont précédées, et qu’elles auraient indubitablement le même sort. Telle ne paraît pas être cependant l’opinion de M. Bonneville : il croit que, soit au point de vue préventif, soit au point de vue moralisateur, la liberté préparatoire des condamnés produirait les meilleurs effets. Ce serait donc encore un essai à tenter dans cette voie des combinaisons intermédiaires. Il part de ce premier principe, que la peine en soi cesse d’être légitime du jour où le condamné est moralement amendé, et puis, par voie de conséquence et au point de vue social, que de ce jour aussi il importe de le rendre à la liberté. Cette donnée première est peut-être bien absolue ; mais passons. Pourquoi d’ailleurs se montrer difficile, s’il est vrai, comme on le dit, que la libération anticipée des condamnés offre de telles garanties et produit de tels résultats au point de vue de leur amendement, qu’avec elle il n’y a plus à craindre leur retour à des habitudes criminelles ? Je n’hésite donc pas à tout admettre, principe et conséquences, mais, bien entendu, sous la réserve très formelle qu’il sera bien clairement démontré que les condamnés sont en effet véritablement amendés au moment où ils sont rendus provisoirement à la liberté. Je serai d’autant plus inflexible sur ce point qu’à mes yeux c’est bien là qu’est la base même du système, ou, pour mieux dire, le système tout entier. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner si M. Bonneville précise les élémens de cette réforme avec un soin particulier et une rare