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ces frénétiques ardeurs dont les plus téméraires aventures et les périls extrêmes sont comme l’aliment ? Et c’est précisément ce qui arrive, même pour tes malfaiteurs, je devrais dire surtout pour les malfaiteurs. Ils sont assez de leur temps pour en refléter, en les exagérant, les plus mauvais côtés, et sous ce rapport l’on peut justement supposer que la préoccupation de la peine de mort leur est d’autant plus importune qu’ils pratiquent avec plus de suite une certaine prudence très fort à leur usage, celle qui se règle uniquement sur la supputation froidement, calculée de toutes les chances contraires, et principalement sur l’énormité de l’enjeu ; c’est cette prudence qui tend à les éloigner et qui seule les éloigne très réellement des crimes passibles de la peine capitale. J’avoue que pour mon compte il m’est impossible de trouver ailleurs une explication un peu raisonnable de la diminution chaque jour plus sensible de ces sortes de crimes ; chacun sent bien qu’il ne faut la demander ni à la religion, ni au respect de la morale, ni à un sentiment d’honneur plus général et plus vif, ni à une plus grande modération dans les désirs, ni à de moindres ressources dans les moyens d’exécution, ni à telle autre cause que ce soit ; la diminution des crimes qu’atteint la peine de mort est donc bien le fait de cette sorte de prudence que je viens de définir.

Et maintenant encore un mot. S’il est vrai, comme on vient de le voir, que, sous l’influence sensible et directe de la peine de mort, le mouvement de la criminalité à l’endroit des faits passibles de cette peine ait été successivement réduit à des proportions vraiment inespérées, ne serait-ce pas la moins excusable des témérités que de supprimer un frein si excellemment salutaire pour livrer la société affaiblie et désarmée à tous les hasards d’une cruelle et sanglante expérience ? Et n’est-ce pas à nous qu’il appartiendrait alors de renvoyer aux adversaires de la peine de mort cette formidable question de responsabilité, leur éternelle menace et la plus violente de leurs objurgations ?

Cependant ils ne se tiennent pas encore pour battus, même sur ce terrain, et après avoir longtemps nié le droit social en tant qu’il s’appliquerait à la peine de mort, les voilà qui font volte-face et s’appuient précisément sur l’impuissance préventive de cette peine pour la déclarer illégitime ! C’est ainsi qu’à titre d’exemple ils exhument de nos annales criminelles, en remontant un peu haut, les noms de Lacenaire pour l’assassinat suivi de vol, de Castaing pour l’empoisonnement, et à ne parler que d’hier, dans le même ordre de crimes, les noms de Latour dans l’Ariège et de Lapommerais à Paris ; j’ajoute que c’est aussi l’une des raisons sur lesquelles les abolitionistes anglais insistent le plus.

Qu’est-ce à dire cependant, et pourquoi ces exemples et ces rap-