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peu de la foule en pareil cas, les oisifs d’abord, qui ne sont pas ceux qui font le moins de bruit, puis les esprits légers où frondeurs, et combien d’autres encore ! Il arrive ainsi que de prime abord la question des circonstances atténuantes ne laisse pas que d’être assez mal menée.

Est-ce tout ? Non sans doute, et voici qui est assurément beaucoup plus grave. Après de longs et vains efforts pour restituer à la répression une efficacité à peu près suffisante, lorsque l’on est à bout, de moyens et d’expédiens, et que le sol lui-même semble se dérober sous nos pas, n’éprouverait-on pas un immense soulagement à pouvoir, au milieu de ce sauve-qui-peut général des esprits, s’abriter enfin derrière cette commode et facile allégation que le mal dont on a si longtemps cherché la cause n’est après tout imputable, pour la plus grande part du moins, qu’à la trop fréquente admission des circonstances atténuantes ? Voilà précisément ce que l’on a dit ; et Dieu sait si depuis on s’est lassé de le répéter : ce fut comme une merveilleuse découverte ; on aurait tant aimé à y croire, que, comme il arrive toujours, on y crut bientôt. C’est ainsi que de proche en proche on a vu des jurisconsultes, des criminalistes, même des magistrats se prendre à cette idée ou à cette illusion avec d’autant plus de vivacité que pour eux, si cette dernière explication leur manquait, c’était à désespérer de l’avenir. Je dois dire que M. Bonneville est lui-même assez vivement entré dans cette voie, à ce point qu’on aurait pu tout d’abord penser qu’il s’agit bien pour lui de la suppression radicale des circonstances atténuantes. Cependant, quand il se rapproche davantage de la difficulté, il ne parle plus que de la réglementation de ces circonstances, et peut-être serait-il finalement d’avis que l’abolition n’en serait utile qu’envers les récidivistes ; mais sur ce dernier point il est très décidé.

Quoi qu’il en soit, et à prendre en ce moment la question à son point de vue le plus général, l’on peut, je crois affirmer que toutes les difficultés, soit de principe, soit d’application, sont dominées d’abord par cette première vérité, qu’en bonne police sociale il n’est pas de meilleure sauvegarde de tout ordre et de toute sécurité que l’intimidation préventive, — puis par cette autre vérité, non moins irrécusable, que cette intimidation naît de la certitude du châtiment bien plus que de la sévérité de la peine. Ce fut l’heureuse inspiration de la réforme de 1832. Soit que les peines ne fussent plus à cette époque en rapport avec la nature où la gravité des offensés, soit que les juges et le jury, trop enclins à s’effrayer de cette disproportion, fussent entrés dans des voies d’indulgence qui dans beaucoup de cas n’allaient à rien moins qu’à l’impunité, toujours est-il que l’on crut alors qu’il importait beaucoup de rétablir, au moyen de circonstances atténuantes facultatives, un équilibre