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Ceci n’est point un jeu d’esprit, un artifice, un paradoxe, c’est de la pure vérité. On peut refuser d’y croire, mais à la condition de n’y point regarder. Tout esprit sain, de bonne foi, capable d’attention, étudiant froidement la question, est invinciblement forcé de la résoudre comme l’a résolue la Genèse. Il peut conserver des doutes sur l’exactitude matérielle de certains mots et de certains détails, mais le fait principal, le fait surnaturel, l’intervention d’un créateur, il faut que sa raison l’adopte comme l’explication la meilleure et la plus sensée, la seule explication possible de cet autre fait nécessaire, la naissance d’un homme dans la force de l’âge, ou tout au moins adolescent.

Voilà, donc un miracle bien et dûment prouvé. N’y eût-il au monde que celui-là, c’en serait assez pour justifier la croyance au surnaturel ; infirmer tout système d’absolu fatalisme, démontrer la liberté divine, et mettre l’homme à son vrai rang ; mais, il faut bien le dire, si, depuis qu’elle existe, l’espèce humaine n’avait eu d’autre preuve de la sollicitude de son créateur que cet acte miraculeux par lequel elle a pris naissance, si d’autres communications, d’autres secours, d’autres clartés ne lui étaient pas venus d’en haut, que saurait-elle aujourd’hui des mystères de sa destinée, de tous ces grands problèmes qui l’assiègent et la préoccupent ? Elle en aurait à peine quelques notions confuses, et le monde n’aurait encore vu naître que de grossières ébauches de religion.

La création de l’homme, en effet, ne suffit pas à révéler sa propre raison d’être. Elle n’est pas un de ces miracles d’où jaillit la lumière pour éclairer le monde ; c’est une manifestation de la puissance divine, ce n’est pas un enseignement de ses volontés. Tout à l’heure au contraire nous verrons apparaître un autre fait non moins mystérieux qui parlera plus clairement. Ce ne sera plus au sortir du chaos, sur la terre à peine affermie, mais en pleine civilisation, à l’époque la plus historique, la plus ouverte aux regards, que ce nouveau miracle aura lieu. Les ténèbres seront dissipées, et le jour se fera dans les cœurs : bienfaisante clarté, longtemps promise et attendue, sorte de complément de la création de l’homme, ou plutôt vraie création nouvelle, apportant à l’humanité, avec l’amour et le pardon célestes, des réponses à toutes ses questions, des solutions à tous ses doutes.

Pendant la longue série de siècles qui sépare ces deux mystères, ces deux grands faits surnaturels, la création et la rédemption de l’homme, le genre humain, réduit à ses propres lumières, n’en poursuit pas moins sans relâche la recherche des vérités divines et le secret de sa destinée ; mais il marche au hasard, il tâtonne, il s’égare. Chaque peuple, sur chaque coin de terre, résout l’énigme à sa façon, chacun se forge son idole ; c’est un incohérent spectacle,