ils pas le signe manifeste que toute création véritable d’une espèce vraiment nouvelle est interdite à l’homme ? Et vous voulez que dans les premiers âges, dans les temps d’ignorance, ces sortes de transformations se soient accomplies sans effort, lorsqu’aujourd’hui malgré la perfection des instrumens et des méthodes, malgré les secours de tout genre que nous tenons de la science, elles sont radicalement impossibles ! Essayez donc de faire un homme. C’est une affaire de temps, dites-vous : soit ; commencez toujours, qu’on vous voie à l’ouvrage, et mettez-y le temps, mettez-y des milliards de siècles, jamais du plus intelligent des singes vous ne ferez un homme, même le plus borné.
Ce rêve évanoui, on en invente un autre. De la transformation des espèces, on se rabat sur les générations spontanées, toujours avec même intention, pour établir qu’on peut faire naître un homme avec ou sans parens, que la nature, selon les circonstances, peut employer l’un ou l’autre moyen, et que l’un n’est pas plus miraculeux que l’autre. On sait, sur ce sujet, à quel degré de démonstration rigoureuse et de lumineuse évidence la science est parvenue, quelles expériences solennelles ont établi la vanité de cette conjecture trop souvent reproduite et prise au trop grand sérieux ; mais à supposer même que le doute fut encore possible et qu’on pût croire à l’éclosion de petits êtres naissant d’eux-mêmes, sans germes ni générateur, en quoi ce mode de production serait-il du moindre secours pour la question qui nous-occupe, pour expliquer et fendre naturelle la naissance du premier homme ? Quelle est la prétention suprême de la génération spontanée, ou, pour mieux dire, de ceux qui la patronnent ? En quel état se vantent-ils de pouvoir mettre un homme au monde ? A l’état d’embryon, de fœtus, ou tout au plus de nouveau-né. Personne encore ne s’est permis de croire à l’éclosion subite d’un adulte, d’un homme fait, en possession de sa taille, de sa force et de ses facultés. Or c’est pourtant ainsi que le nouvel habitant de la terre a dû s’y trouver jeté ; c’est à la condition de pousser d’un seul jet, d’être né homme et vigoureux, qu’il a pu vivre, se défendre, s’alimenter, se perpétuer et devenir le père du genre humain. Faites-le naître à l’état d’enfance, sans mère pour le protéger, le réchauffer et le nourrir, il périra le second jour de faim, de froid, ou dévoré. La génération spontanée, fût-elle donc sortie victorieuse des épreuves où elle a succombé, fût-elle cent fois reconnue possible, ne servirait encore de rien pour éclaircir notre problème. Le seul moyen de le résoudre, le seul qui soit satisfaisant, même pour la raison, c’est d’avouer franchement qu’il y a là quelque chose de supérieur et d’étranger aux lois de la nature. Pour expliquer l’apparition sur terre du premier homme, il faut nécessairement l’homme de la Genèse, fait de la main du Créateur.