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problèmes naturels, votre espoir est déçu. Vous voyez ce qu’on peut en attendre : pas autre chose que de vagues notions, fortifiées, il est vrai, par la ferme assurance que ces problèmes ne sont pas illusoires, qu’ils reposent sur un fond solide, sur de sérieuses réalités.

Est-ce assez ? cette sorte de satisfaction suffit-elle à votre âme ? Qu’importe que certains esprits, rompus à la philosophie, comprenant tout à demi-mot, s’en tiennent à ces préliminaires, que ce demi-jour les contente, qu’ils n’aient besoin ni d’autre guide, ni d’autre frein, pour traverser la vie, même aux jours des plus rudes épreuves ? Nous voulons bien admettre ce qu’ils nous disent d’eux, mais qu’en conclure ? Combien en comptez-vous d’esprits de cette trempe ? C’est l’exception la plus rare. L’immense majorité des hommes, le genre humain proprement dit ne vit pas d’un pareil régime, il est trop étranger à l’esprit philosophique ; il a trop peu le sens de l’invisible. Toute abstraction est un grimoire pour lui. Et en supposant même que ces vagues réponses, issues de la science, fussent de forme plus accessible, le fond n’en serait pas moins pour la plupart des hommes sans couleur ni vertu, et de tous les secours le plus insuffisant.

Que va donc faire le genre humain si, d’une part, il ne peut se passer de réponses précises, de notions dogmatiques sur l’invisible infini, et si, de l’autre, la science est son seul moyen d’en tenter la conquête ; s’il aspire à des vérités hors de toute expérience, et si l’expérience est son unique loi ; si, en un mot, il ne reconnaît et n’accepte que les faits qu’il observe, constate et vérifie lui-même ? Comment sortir de cette impasse ?


III

Le moyen est trouvé. L’homme a le don de croire non-seulement à ce qu’il voit, à ce qu’il sait par lui-même, mais à ce qu’il ne voit pas, à ce qu’il ne sait que par ouï-dire. Il admet, il affirme de confiance, souvent même sans moyen de contrôle, sans vérification possible, les choses qui lui sont attestées, à la seule condition que le témoin lui semble compétent et sincère. Ainsi l’autorité du témoignage, voilà ce qui constitue la foi, aussi bien la foi proprement dite, la croyance aux vérités divines, que la foi purement humaine, la confiance dans le savoir d’autrui. C’est, du petit au grand, le même acte d’intelligence ; seulement, lorsqu’il s’agit des choses de ce monde, l’autorité du témoin s’établit aisément, il n’est besoin de justifier que de sa clairvoyance et de sa véracité, tandis que pour les choses surhumaines il faut qu’il soit lui-même surhumain, qu’il en donne la preuve, qu’on sente à la façon dont il parle du ciel qu’il le connaît et qu’il l’habite, qu’il en descend directement. S’il