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Ainsi, quoi qu’il arrive, ce n’est pas le positivisme qui nous délivrera des problèmes naturels. Après comme avant son passage, les mystères de notre destinée préoccuperont le genre humain.

En face de cette tentative, M. Guizot nous en signale une autre d’un ordre tout différent, moins téméraire en apparence, mais aspirant aussi non pas à supprimer, à éluder les problèmes naturels. Ce n’est pas un système, c’est un état de l’âme assez fréquent chez certaines personnes de nature et d’esprit élevés, c’est la tendance à substituer ce qu’on appelle le sentiment religieux aux religions proprement dites. On ne méconnaît pas les grands mystères de cette vie, on les tient même pour très sérieux et très embarrassans ; mais au lieu de solutions précises, de réponses catégoriques qu’il faudrait demander à des dogmes trop arrêtés ou trop impérieux, on se borne, comme équivalens, à de fréquentes rêveries, à de longues contemplations. C’est là, dit-on, la religion des esprits éclairés : point de solutions, des émotions. Le contraste est complet avec le positivisme. Celui-ci vous recommande, comme hygiène morale, de ne jamais penser aux choses invisibles ; on vous invite ici à y penser beaucoup, à y penser toujours, sauf à n’en rien conclure.

Eh bien ! le genre humain ne peut se contenter de ces façons d’entendre les secrets de sa destinée. Il lui faut autre chose que les aveugles négations des uns et que les vagues aspirations des autres. L’homme n’est pas seulement esprit ou sentiment, il est à la fois l’un et l’autre. Il lui faut des réponses et non pas de beaux rêves, de vraies réponses qui parlent à son intelligence en même temps qu’à son cœur, qui lui tracent sa route, soutiennent son courage, animent son espoir, enflamment son amour. Tout un système puissant et bien lié, tout un système de faits, de préceptes, de dogmes donnant satisfaction à tous les grands désirs que nous portons en nous, voilà l’idéal à trouver. Cherchons : c’est pour chacun de nous la question capitale, la question d’être ou de n’être pas. Nous l’avons déjà dit, deux sources se présentent, l’une purement humaine, l’autre à demi divine ; la première suffit-elle ? Essayons.


II

Si la science peut répondre aux appels de notre âme, si par ses propres forces, par ses propres lumières elle nous révèle le but de cette vie, nous fait voir clairement l’origine et la fin des choses, c’est pour le mieux ; il faut s’en tenir à la science, sans rien demander de plus. Ce guide exact et sûr, nous l’avons sous la main ; pour-