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des tableaux anciens qu’on admire, et dont les auteurs ont une célébrité qui, j’espère, ne manquera pas à M. Breton.

En rendant compte du Salon de 1864, nous avons eu à soumettre quelques observations à M. Eugène Fromentin, qui, selon nous, avait subi une de ces défaillances passagères que les artistes les meilleurs et les plus convaincus ne peuvent pas toujours éviter. Nous avons dit sans détour combien cette franchise nous coûtait ; nous avons eu toujours une vive sympathie pour le double talent d’artiste et d’écrivain dont M. Fromentin a donné souvent la preuve ; nous l’avons admiré avec joie, loué avec conviction ; mais la critique impose des devoirs qu’on ne saurait répudier. Aujourd’hui nous nous retrouvons, jusqu’à un certain point, en présence du même embarras. Cette fois du moins ce n’est pas une faiblesse momentanée que j’aurai à signaler, loin de là ; c’est un effort trop considérable et hors de proportion peut-être avec le genre de talent de l’artiste. Les dons que M. Fromentin a reçus en partage, les qualités charmantes qui constituent le fond même de sa nature, et qu’il a su habilement développer, ne lui ont donc point semblé suffisans ; ils auraient pu cependant contenter un artiste moins sévère pour lui-même, et la réputation qu’ils avaient value à leur heureux possesseur aurait satisfait plus d’un ambitieux. M. Fromentin semble chercher des succès nouveaux dans des routes qu’il n’a pas encore battues. C’est le signe d’un esprit hardi ; ces tentatives m’effraient, mais je les admire. Les fées qui ont présidé à la naissance de M. Fromentin ont été généreuses pour lui ; elles lui ont dit : « Tu auras la grâce, tu connaîtras le secret des agréables colorations, tu auras la finesse de l’esprit et celle de la main, tu sauras te servir des deux outils sacrés, celui de la pensée, celui de la plastique ; tu communiqueras à tes œuvres le don mystérieux qui fait aimer, le charme. » Lorsque les fées l’eurent doué ainsi, elles le quittèrent ; mais la force, qui était occupée ailleurs, n’était point venue, et c’est elle que M. Fromentin cherche aujourd’hui. On raconte qu’Apollon se blessa en voulant jouer avec la massue d’Hercule ; M. Fromentin a la grâce, il veut trouver la force ; je crains bien qu’il ne lâche la proie pour l’ombre. Nul ne saura gré à l’aimable artiste des efforts qu’il fait pour donner à ses chevaux des musculatures très étudiées et trop saillantes. Dans cette douce peinture à laquelle il nous avait habitués, peinture fine, transparente, qui semblait une superposition de glacis harmonieux, de tels efforts de brosse surprennent, paraissent une anomalie, et ne sont pas en rapport avec la facture générale. Les tableaux qu’il obtient ainsi, — dès 1863 j’avais signalé ce danger. — paraissent peints par deux artistes différens : l’un fait le paysage, l’autre les ani-