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du bien d’autrui. Ils sont fort inférieurs en intelligence aux Hindous de race noble et aux Parsis, et paraissent aussi incapables de comprendre les théories scientifiques que de les appliquer. Ils n’ont de goût que pour le négoce et l’exploitation des autres hommes ; ils n’estiment que le gouvernement militaire, le plus facile de tous et le seul dont ils aient une notion précise. Comme ils l’ont pratiqué autrefois sur le sol même de l’Inde, ils regrettent d’en être déchus, et leur principale préoccupation est de le recouvrer. La révolte est le seul moyen qui soit à leur portée ; ils la fomentent et la pratiquent avec un appétit sauvage. L’insurrection de 1857 a été bénigne jusqu’au jour où les musulmans y ont pris part ; aussitôt après, elle a commencé d’être cruelle, et a poussé à des barbaries sans nom les cipayes indigènes, qui sont ordinairement les plus doux des hommes. Les musulmans sont les véritables ennemis des Anglais, comme ils le sont de tout Européen. Leur capitale ne sera jamais Calcutta, mais La Mecque, où se préparent les projets sinistres, et d’où part le mot d’ordre pour les exécuter. Les efforts du vice-roi des Indes ne les amèneront pas aisément à nos mœurs et à nos idées ; mais à mesure que notre civilisation pénétrera la contrée et en entraînera les habitans dans la sphère de notre activité, les familles musulmanes sortiront de l’Inde et regagneront spontanément les pays d’où elles sont venues. Ce mouvement, dont on aperçoit déjà quelques symptômes, et qui est très marqué dans la Turquie d’Europe, aura cette conséquence finale, quoique lointaine encore, de laisser en présence les uns des autres les Aryas d’Europe et ceux d’Asie, ayant au-dessous d’eux cette foule d’hommes qui se décompose aujourd’hui en une multitude de castes inférieures et dégradées.


III

Les voyageurs qui ont vu l’Inde et les personnes qui y ont séjourné sont généralement d’avis que la bonne politique anglaise est de tendre dès à présent à la fusion des races comme au partage des fonctions publiques. Si celui-ci est presque impossible en ce moment, parce qu’il serait imprudent de devancer l’avenir, à plus forte raison la fusion des races est-elle à peu près impraticable. Quant à la tendance qui doit aboutir à ce résultat désiré, nous croyons qu’elle est dans la pensée du gouvernement britannique, et qu’il en prépare les effets, encore lointains. L’établissement des Européens dans l’Inde ne sera définitif que lorsqu’il aura perdu le caractère d’une conquête, ce qui suppose un entier mélange des vainqueurs et des vaincus, l’oubli de la défaite chez les uns et de la victoire chez les autres ; mais quand les générations nouvelles auront pris à leur tour la place que leurs pères occupent en ce mo-