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rencontra les troupes de l’empire, au nombre de 5 à 6,000 hommes, sous la conduite du margrave de Bade. Pour Coligny, après avoir erré pendant vingt jours par des chemins inconnus et détestables, n’ayant aucune nouvelle des impériaux et trouvant que la route de Marbourg n’était pas sûre, il s’était dirigé sur la petite ville de Rakelsbourg, envoyant à Bissy l’ordre de venir l’y joindre. Leur rencontre eut lieu en effet le 21 juillet 1664 au moment même où, par hasard, Montecuculli venait de son côté camper au petit village d’Ollnitz, à deux lieues de Rackelsbourg. C’est le comte de Podwitz qui, envoyé à la découverte par Coligny dès son arrivée, eut la joie d’annoncer que l’armée impériale était voisine. Les Français firent leur jonction sur-le-champ, et « l’armée chrétienne, » comme elle s’appelait elle-même, se trouva complète, sauf la brigade de Gassion. On ne songea pas à l’attendre. Coligny lui laissa l’ordre de suivre l’armée comme elle pourrait et de la joindre sur le Raab.

Montecuculli n’eut pas de peine à faire accepter par ses collègues le plan de campagne qu’il avait adopté, et que la marche du grand-vizir commandait impérieusement. Il n’y avait évidemment qu’une conduite à tenir, gagner le Raab à temps pour le traverser avant l’ennemi et lui barrer le passage. L’infanterie, épuisée par des marches forcées, n’avançait pas assez vite dans ces chemins coupés de marécages et de gorges étroites ; on résolut de prendre les devants avec tout ce qu’il y avait de cavalerie. On parvint à gagner le fleuve le 24 au point du jour. Après quelques heures d’un repos indispensable, les troupes passèrent enfin le Raab sur le pont de Saint-Gothard, et se rangèrent sur la rive opposée, attendant que l’armée turque parût. Les incendies allumés de toutes parts sur la rive que l’on venait de quitter ne tardèrent pas à annoncer son approche. On allait être en présence de l’ennemi ; il fallait de toute nécessité réunir sous un même commandement toutes les armées particulières, que la jalousie de leurs souverains avait voulu laisser indépendantes. L’expérience qu’avait Montecuculli de la guerre contre les Turcs, jointe à son ancienneté, le désigna d’un commun accord au choix de ses collègues. On convint qu’il prendrait le commandement supérieur des contingens des diverses puissances, et qu’il dirigerait les mouvemens de concert avec chaque général en chef. Ce point une fois réglé, Montecuculli se hâta de prendre les dispositions nécessaires. Sa parfaite connaissance du pays lui faisait pressentir que les Turcs tenteraient d’abord le passage près du village de Kermend, un peu au-dessus du monastère de Saint-Gothard. Il demanda aux Français d’occuper l’extrême gauche de l’armée, plaçant ainsi sous leur garde le premier point menacé. Coligny envoya en toute hâte quelques cavaliers, qui prirent possession de