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la tête de petits corps confédérés suit l’exemple de Lee et de Johnstone et met bas les armes. De son côté, le gouvernement fédéral se hâte de licencier ses troupes et de réaliser des économies. Le dernier acte important de la guerre, la capitulation de Johnstone, a été signalé par un fait caractéristique qui a une fois encore montré au monde la décision et la force du gouvernement américain. C’est l’honneur de ce gouvernement d’avoir, dans le cours d’une guerre pleine de vicissitudes, vigoureusement maintenu la suprématie du pouvoir civil sur l’autorité militaire. Le gouvernement de Washington a été obligé, au dernier moment, de persévérer dans cette énergique discipline et de réparer un écart de l’un de ses plus illustres généraux. Sherman, plus soldat qu’homme d’état, avait mêlé à sa première convention avec Johnstone des stipulations d’un caractère politique et qui dépassaient sa compétence. Ses imprudentes et peu convenables concessions ont été sur-le-champ désavouées par le cabinet de Washington, et à la fin comme à l’origine de la guerre le sabre a dû céder au pouvoir civil. Le grand deuil qui a accompagné dans les principales villes de l’Union les funérailles de M. Lincoln est encore un fait qui doit vivement frapper l’attention de l’Europe. Quel spectacle que celui de New-York avec ses maisons drapées de noir, et suspendant durant douze jours ses affaires pour attendre le cercueil du magistrat-martyr, qui n’était, il y a peu d’années, qu’un citoyen obscur ! Nous avons entendu, dans notre antique Europe, d’assommantes déclamations sur la nécessité du respect et sur le principe d’autorité que l’on veut nous faire adorer en d’absurdes idoles. Le véritable principe d’autorité, les États-Unis nous montrent comme il jaillit de la conscience d’un peuple libre ; le véritable respect, nous voyons comment l’inspirent des chefs de pouvoir qui n’ont jamais voulu être les dominateurs impérieux de leur pays, et qui n’en ont été que les serviteurs dévoués jusqu’à la mort.


E. FORCADE.


ESSAIS ET NOTICES.

LES RÉFORMES EN TURQUIE[1].


Aucun pays n’a été plus exposé que la Turquie aux palinodies de l’opinion. Faveur du temps de Sélim, hostilité à l’époque de Tilsitt, sympathie au moment des premières réformes de Mahmoud, anathèmes à l’heure de la résurrection de la Grèce, condamnation lors des succès de Méhémet-Ali, enthousiasme au début de la guerre de Crimée, réaction à la suite de cette guerre, la Turquie a connu toutes les phases du bon et du mauvais vouloir. Tantôt les Turcs sont représentés comme des barbares qu’il faut

  1. La Turquie en 1864, par M. Collas.